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Des Contes increvables

Paris
Opéra Bastille
01/25/2020 -  et 28 janvier, 2, 5, 8, 11, 14* février 2020
Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann
Michael Fabiano (Hoffmann), Gaëlle Arquez (La Muse, Nicklausse), Jodie Devos (Olympia), Ailyn Pérez (Antonia), Véronique Gens (Giulietta), Sylvie Brunet-Grupposo (La mère d’Antonia), Laurent Naouri (Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto), Philippe Talbot (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio), Jean Teitgen (Luther, Crespel), Hyun-Jong Roh (Nathanaël), Rodolphe Briand (Spalanzani), Olivier Ayault (Hermann), Jean-Luc Ballestra (Schlemil)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Mark Elder*/Pierre Vallet (direction)
Robert Carsen (mise en scène), Michael Levine (décors et costumes), Jean Kalman (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Ian Burton (dramaturgie)


G. Arquez, M. Fabiano (© Guergana Damianova/Opéra national de Paris)


Après une longue période de grèves, l’Opéra de Paris a repris son activité avec l’increvable production des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach réalisée en 2000 par Robert Carsen et Michael Levine, un des piliers de son répertoire lyrique.


Le spectacle a commencé par un beau chahut quand un huissier est venu annoncer qu’un message allait être lu hors scène par un délégué du personnel annonçant à un public composé très majoritairement de contribuables de l’Etat français que le personnel de l’Opéra national de Paris, en désaccord avec la réforme des retraites, allait en quelque sorte leur faire la faveur d’assurer la représentation de cette reprise de Contes d’Hoffmann...


Les reprises de spectacles à l’Opéra de Paris sont dans la ligne de mire. Lors d’une interview donnée à Télérama le 17 janvier 2020, Stéphane Lissner, directeur de l’établissement, s’indignait que les journalistes ne se déplacent pas pour les reprises des spectacles lyriques. La journaliste aurait pu lui répondre que contrairement à celles de ses prédécesseurs, les reprises actuelles ne sont pas dignes de l’Opéra de Paris, du moins de ses prétentions tarifaires. Pour quelques productions comme récemment Lear de Reimann et Don Giovanni de Mozart, qui reviennent après un court laps de temps avec leur distribution d’origine, combien d’opéras du répertoire sont repris avec des distributions sans grand intérêt ou avec une tête d’affiche qui semble suffire, le reste étant d’un grand débraillé? Et les reprises vont dans un futur proche être plus nombreuses car – Stéphane Lissner l’a annoncé dans une interview donnée à France Info le 5 février 2020 – elles vont remplacer lors des saisons à venir un certain nombre de nouvelles productions pour combler la perte de quelque 16 millions d’euros entraînée par quarante-cinq jours de grèves depuis novembre dernier.


Cette reprise des Contes d’Hoffmann fait en partie mentir ce préambule car, sans être de tout premier ordre, elle avait le mérite d’être homogène avec deux chanteurs exceptionnels et le reste de la distribution plutôt soigné. On est loin cependant, sans remonter aux légendaires Contes mis en scène par Patrice Chéreau dans les années 1970, des distributions affichées par la même production de Carsen dans les premières années de sa création (Shicoff, Villazón, Terfel, Sénéchal, Petibon, Dessay, Uria-Monzon... dirigés par López-Cobos ou Jordan).


La direction du chef britannique Mark Elder, à la fois attentive et très précise, accusait souvent raideur et froideur. L’Hoffmann du ténor américain Michael Fabiano brille par une belle endurance, un timbre flatteur des aigus brillants et une prononciation correcte. Il lui manque parfois le supplément d’aura romantique du personnage. Son double Nicklausse était suprêmement interprété et joué par le mezzo-soprano français Gaëlle Arquez, belle voix aux aigus faciles et à la diction superlative. Sa bonne et intelligente présence scénique équilibrait le jeu souvent monolithique d’Hoffmann. Superbe aussi l’Antonia de l’Américaine Ailyn Pérez, à la voix ample et facile, très crédible dans ce rôle difficile même si elle sacrifiait parfois la diction à la ligne de chant. La Voix de la Mère de Sylvie Brunet-Grupposo était en accord parfait avec elle dans les duos et les trios si périlleux du deuxième acte. Comme on l’avait déjà noté en 2017 dans La Veuve joyeuse, la voix de Véronique Gens passe difficilement la rampe de ce grand théâtre. Son personnage de Giulietta ne manquait cependant pas d’allure. L’Olympia de Jodie Devos se tirait fort bien de ce rôle d’automate nymphomane mais si sa virtuosité de colorature est impeccable on ne peut s’empêcher d’être rebuté par la stridence déplaisante de ses aigus. Laurent Naouri, au fil des années, a conféré aux quatre personnages noirs des Contes un jeu scénique exceptionnel qui compense aujourd’hui une certaine usure vocale, surtout dans l’acte de Venise. Ses problèmes irrésolus de prononciation de certaines consonnes restent pour nous assez rédhibitoires. Hormis l’excellent Spalanzani de Rodolphe Briand, les seconds rôles étaient seulement corrects.


On ne reviendra sur la production de Robert Carsen que pour louer une fois de plus la réussite de son parti pris de théâtre dans le théâtre, l’intelligence de sa direction d’acteurs et le fait que certaines trouvailles dramaturgiques n’aient, en vingt ans et quelques soixante-dix représentations, pas pris une ride. C’est un grand bonheur qui s’ajoute à celui de pouvoir jouir aujourd’hui de ce chef-d’œuvre testamentaire dans tout son éclat romantique et fantastique dans une version aussi complète que possible grâce aux admirables travaux des musicologues du XXe siècle.



Olivier Brunel

 

 

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