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Herbert Blomstedt, le brucknérien

Paris
Philharmonie
01/08/2020 -  et 9 septembre 2020
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 23 en la majeur, K. 488
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 « Romantique » en mi bémol majeur (version 1878-1880)

Bertrand Chamayou (piano)
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© Martin U. K. Lengemann)


C’est un fait: Herbert Blomstedt revient désormais chaque année diriger l’Orchestre de Paris, après des retrouvailles qui datent désormais d’il y a dix ans et qui s’étaient matérialisées dans une Cinquième Symphonie de Bruckner, déjà, d’anthologie.


Nul ne le contestera: Blomstedt est aujourd’hui, et avant même le retrait de Bernard Haitink de la scène musicale en septembre dernier, le meilleur interprète qui soit de l’œuvre symphonique d’Anton Bruckner. Ses disques avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig (Denon) comme ses concerts à la tête des orchestres les plus prestigieux (Berlin, Vienne, Munich, Dresde...) l’ont amplement illustré: le grand style propre à cette musique se double avec lui d’une clarté des pupitres et d’un sens des transitions qui le font surpasser aussi bien Thielemann que Chailly, pourtant tous deux extrêmement convaincants dans ce répertoire. La Quatrième Symphonie (1874-1880) donnée ce soir aura une fois encore permis au vénérable chef (qui, bien qu’arrivant sur scène d’un pas alerte et dirigeant debout, va quand même sur ses 93 ans!) de montrer ce dont il est capable.


Bien que réputée comme étant la plus populaire de ses symphonies avec la Septième, il est assez étonnant de constater qu’elle n’est entrée au répertoire de l’Orchestre de Paris qu’en 1975 (sous la baguette de Daniel Barenboim) et qu’elle n’a pas été jouée par lui depuis 2003 (sous la direction de Christoph Eschenbach)! Il n’est donc pas très étonnant que les musiciens de l’Orchestre, peut-être un rien fébriles, n’aient pas été pleinement convaincants dans le premier mouvement. Si le pupitre de cors (emmenés ce soir par l’irréprochable Benoît de Barsony) a été excellent, l’orchestre se montre presque timide (la pulsation des contrebasses dans la coda, les autres pupitres de cuivres, les timbales) et n’est pas exempt de quelques maladresses à l’instar d’un ou deux glissandi étranges des premiers violons. Pourtant, Herbert Blomstedt les guide avec une justesse confondante, relançant de temps en temps l’orchestre (qui ne répond pas toujours) pour éviter toute lourdeur ou faciliter le trait vers tel ou tel sommet, ce mouvement se résumant finalement en une demi-réussite. Pleine réussite en revanche pour l’Andante, quasi allegretto, où le dépouillement extrême de la partition voisine avec bonheur avec certains tutti d’une puissance somptueuse, le pupitre d’altos (déjà excellent dans le mouvement précédent) se révélant particulièrement remarquable. On s’attendait donc légitimement à une prestation encore meilleure dans le troisième mouvement mais, de nouveau, les cuivres offrent un jeu timoré à tel point que ce sont les cordes que l’on perçoit le mieux, y compris dans la fin du Scherzo avant que ne soit joué le Trio brucknérien habituel. Mais, heureusement, le Finale. Allegro moderato. Bewegt, doch nicht zu schnell nous aura totalement convaincu, totalement emporté, totalement subjugué. En un mot, son interprétation fut idéale de la première à la dernière note, les cordes se lâchant enfin (que n’ont-elles pas joué ainsi dès le début de la symphonie!), les cuivres affirmant avec superbe tout leur éclat, les bois (en particulier la clarinette enjôleuse de Pascal Moraguès) distillant des traits d’une finesse et, de temps à autre, d’une espièglerie parfaites, rappelant ces tournures issues du folklore autrichien que Bruckner aimait tant.


Sa partition de poche soigneusement fermée sur son pupitre, Blomstedt est souverain. Dirigeant comme toujours à mains nues, pétrissant la masse orchestrale sans jamais l’alourdir et en veillant à respecter les équilibres entre pupitres (réclamant souvent des cuivres, calmant parfois les superbes violoncelles de l’Orchestre de Paris), le chef impose son charisme à chaque musicien et obtient d’eux qu’ils se surpassent, notamment dans ce dernier mouvement d’anthologie, couronnant une Quatrième Symphonie de la plus haute valeur.


Ovation pour le chef (en dépit du départ de nombreux spectateurs, ceux-ci s’en allant sitôt la dernière note tombée au mépris de toutes les règles de politesse pour attraper un métro que, de toute façon, ils n’auront pas, grèves obligent...) qui, une fois de plus, s’impose comme un des chefs les plus intéressants depuis ces dernières années. Après cette Quatrième et ces Troisième, Cinquième, Huitième et Neuvième Symphonies de Bruckner, autant dire qu’on attend la poursuite du cycle dans les années à venir!


N’oublions pas tout de même de revenir également sur cette première partie qui, classiquement chez Blomstedt notamment, offrait un concerto pour piano de Mozart avant la symphonie de Bruckner (c’est d’ailleurs ce même Vingt-Troisième Concerto (1786) qu’il avait dirigé en 2017 avant de donner avec la Philharmonique de Berlin la Troisième Symphonie). Bertrand Chamayou, qui a l’âge d’être le petit-fils de Blomstedt, nous aura offert une version au départ un rien déconcertante de cette page merveilleuse. Ainsi, à la fluidité orchestrale répond dans le premier mouvement un piano doté d’une grande liberté de jeu mais qui, par moments, nous aura semblé manquer d’assise, occasionnant de légers (et furtifs) moments de flottement avec un orchestre remarquable. Effectifs conséquents certes mais on connaît le Mozart de Blomstedt (voir par exemple ici) qui, à l’instar du chef, rayonne par sa jeunesse et son allant. L’entente avec le soliste est, pour le reste, idéale, notamment dans l’Adagio: la petite harmonie (entrée de la clarinette, contrechant du basson) est étincelante et Chamayou se glisse avec humilité dans ce décor dont la sobriété exalte la beauté sonore. Il aborde l’Allegro assai conclusif avec un côté espiègle, voire malicieux (quelques appogiatures ici ou là en témoignent), dansant presque sur sa chaise, au diapason de l’approche de Blomstedt, l’œil on ne peut plus rieur au moment des saluts. En bis, l’Adagio de la Soixantième Sonate (1795) de Haydn, concluant dans une épure remarquable la première partie d’un concert mémorable à bien des égards.


Le site de Bertrand Chamayou



Sébastien Gauthier

 

 

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