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Bûcher sans étincelle

Paris
Opéra National de Paris - Bastille
12/10/2001 -  et 13, 15*, 17, 20, 23, 27 décembre 2001, 8, 10, 12 janvier 2002
Modeste Moussorgski : La Khovantchina
Vladimir Ognovenko (Ivan Khovanski), Vladimir Galouzine (Andrei Khovanski), Larissa Diadkova (Marfa), Irina Rubstova (Suzanna), Tatiana Pavlovskaya (Emma), Anatoli Kotscherga (Dossifei), Robert Brubaker (Vassili Golitsine), Valeri Alexeev (Chakloviti), Evgueny Polikanin (Varsonofiev), Leonid Bomstein (Kouzka), Wassyl Slipak (Strechniev), Konstantine Ploujnikov (Le Clerc)
Orchestre et Chœurs de l'Opéra National de Paris, James Conlon (direction)
Andrei Serban (mise en scène), Richard Hudson (décors et costumes), Yves Bernard (lumières), Laurence Fanon (chorégraphie)


Pas une décennie ne se passe sans que les thèmes abordés dans La Khovantchina (lutte entre conservatisme et modernisme, exaltation du martyre) ne retrouvent une criante actualité, régionale hier, mondiale aujourd'hui. Qu'Andrei Serban n'ait pas voulu inonder son plateau de clones de Vladimir Poutine et Oussama Ben Laden se comprend. Qu'il ait à ce point ancré le drame dans son contexte historique, au détriment d'une optique plus intemporelle, se concevrait si un sens viscontien du passé en venait soutenir l'esthétique, ce que le décor piteux de Richard Hudson ne permet guère ; à moins qu'il s'agisse simplement, après le joli hommage rendu à Lehmann dans Les Indes Galantes, d'un autre plus douteux s'adressant au Staline petit père du Bolchoï… On comprend en outre la volonté de distanciation qui a présidé à la direction d'acteurs dans de nombreuses scènes, faisant ressortir l'ironie mordante avec laquelle Moussorgski campe certains caractères, en particulier celui de Golitsine, où joue parfois sur le tragi-comique dans quelques scènes chorales. Ces moments n'ont cependant de poids que par contraste avec ceux où le souffle tragique de l'Histoire emporte à nouveau les êtres. Hormis le tableau des trois princes, admirable par son art calculé de la pose, et l'immolation finale, plutôt mal réalisée mais sur une belle idée évitant le Grand Guignol, la mise en scène s'avère à cet égard d'une consternante platitude.
On peut malheureusement en dire autant de la direction de James Conlon, malgré l'intelligence du choix de la partition (la version Chostakovitch, mais sans le final à la manière soviétique). Des problèmes techniques dont le chef est coutumier, seul reste ce soir celui du raccord entre fosse et chœurs, la mise en place au sein de l'orchestre et avec les chanteurs étant de son côté plutôt satisfaisante. Comme souvent, chaque pupitre sonne admirablement. Mais de ces tempos alanguis n'émergent nulle attaque, nulle arrête, nul accent. Les thèmes si puissamment expressifs confiées aux cordes graves passent sans qu'on les remarque - un comble !
Seule la distribution, l'une des meilleures qu'on puisse aujourd'hui réunir, rachète ce sentiment global d'ennui. Certes, les meilleurs solistes actuels du Mariinsky ou du Bolchoï rivalisent plus facilement avec leurs glorieux aînés d'après-guerre dans Tchaïkovski ou Prokofiev que dans Moussorgski, qui pose aujourd'hui des problèmes de distribution assez comparables à ceux de Wagner. On n'en aime pas moins, malgré une certaine pauvreté du timbre aux extrêmes de la tessiture, le Khovanski racé et brillant d'Ognovenko, puissant acteur de surcroît, et le Dosifei ample et serein de Kotscherga, bien qu'un peu dénué de noirceur et de mystère. Etrangement, Brubaker ne manifeste pas la même aisance vocale que dans La Guerre et la Paix ou Le Nain, mais le chanteur et le comédien demeurent fantastiques. Parfaitement assuré dans tous les registres du rôle, le timbre de Diadkova n'a pas la sensualité discrète, la séduction triste qu'exige aussi Marfa, et la mise en scène l'abandonne complètement à elle même ; la musicienne est comme toujours digne d'éloges, dans un rôle qui éveille peut-être moins sa fibre théâtrale que les emplois plus extériorisés (sa Duègne insensée des Fiançailles au Couvent). Galouzine en Andreï, même avec quelques raideurs en début de soirée, c'est du luxe - vite, son Otello ! -, tout comme Alexeev en Chakloviti. Les petites silhouettes sont parfaites, à l'exception d'une Emma perce-oreilles, et avec une mention spéciale pour Ploujnikov, toujours excellant dans ses demi caractères.



Vincent Agrech

 

 

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