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Le possible rêve

Bruxelles
Koninklijke Vlaamse Schouwburg
12/04/2019 -  et 5, 6, 7, 8*, 10 décembre 2019
Mitch Leigh: L’Homme de la Mancha
Junior Akwety, Nadine Baboy, François Beukelaers, Gwendoline Blondeel, Geoffrey Degives, Pierre Derhet, Bertrand Duby, Raphaële Green, Christophe Herrada, Chaib Idrissi, Filip Jordens, Edù Lombardo, Ana Naqe, Enrique Kike Noviello, Emma Posman
Ensemble: Francesco Barone, Anthony Blondeau, Geraldine Clément, Jean-Pierre Dassonville, Claire-Sarah Fouché, Diego Hernández Torres, Jona Kesteleyn, Pascal Moreau, Ramiro Neguiero Blanco, Dirk Noyen, Tom Pipeleers, Leolun Planchon Leblanc, Gert-Jan Schoup, Wim Van Volsem, Bassem Akiki (direction)
Michael De Cock, Junior Mthombeni (mise en scène), Eugenio Szwarcer (scénographie, vidéo), Hernán Pablo Curioni, Lien De Trogh (vidéo), Sabina Kumeling (costumes), Gérard Maraite (lumières)


(© Danny Willems)


1968: cette année-là, la Monnaie représentait avec succès une comédie musicale devenue célèbre, L’Homme de la Mancha (1965) de Mitch Leigh (1928-2014), avec Jacques Brel dans les rôles de Cervantès et Don Quichotte. Le chanteur a tellement marqué l’hidalgo de son empreinte qu’il demeure presque impossible, aujourd’hui encore, d’évoquer la carrière de cet immense artiste sans rappeler cette incarnation. Cinquante ans plus tard, une nouvelle production fut créée au Koninklijke Vlaamse Schouwburg – KVS – de Bruxelles, dans une adaptation musicale de Bassem Akiki et une mise en scène de Michael De Cock et Junior Mthombeni. Après un peu plus de douze mois, la même équipe reprend ce spectacle, toujours dans ce magnifique théâtre, dans le cadre d’un partenariat entre le KVS, la Monnaie et le Théâtre national Wallonie-Bruxelles.


Une grande réussite que cette production acclamée debout par le public. Cette œuvre d’un peu plus de 2 heures et comportant de nombreux personnages possède, pour commencer, une incontestable valeur musicale due principalement à son énergie et son inspiration mélodique. Bassem Akiki dirige avec vigueur un orchestre de chambre placé sur la scène et constitué essentiellement d’instruments à vent et de percussions. La prestation ferme et précise des musiciens met particulièrement en valeur le lyrisme puissant de cette musique qui alterne avec des épisodes dialogués sans jamais susciter de lassitude.


Il est vrai que ce spectacle tire une grande partie de sa force d’une solide troupe d’interprètes, la plupart aussi bons comédiens que chanteurs. Présenté sous la forme d’un dépliant, le programme n’indique pas précisément à qui chaque rôle est distribué. Par leur charisme et leur talent, la plupart laissent une forte impression et rendent ce spectacle inoubliable. L’excellent Filip Jordens semble entièrement possédé par le personnage de Don Quichotte, qu’il montre tour à tour conquérant, amoureux, idéaliste, drôle, rêveur ou encore délirant. Cet artiste épatant personnifie à merveille Cervantès qui, emprisonné avec son manuscrit par l’Inquisition, incarne le chevalier à la triste figure pour les autres détenus qui prennent aussi part à l’action. Ce comédien et chanteur ressemble tellement à Brel, par le physique et la voix, que cela en devient troublant et ravive certainement d’heureux et émouvants souvenirs aux spectateurs qui eurent la chance d’applaudir à l’époque l’inoubliable interprète d’Amsterdam.


Filip Jordens incarne un personnage bien évidemment écrasant, mais le spectacle repose aussi sur d’autres piliers, en particulier Ana Naqe, distribuée en Aldonza, et que Don Quichotte prend pour sa dulcinée: malgré ses origines albanaises, elle dégage un charme ibérique capiteux et irrésistible. Gwendoline Blondeel et Emma Posman nous charment également par leur présence et la finesse de leur chant, mais Nadine Baboy, dans un registre plus extraverti, n’est pas en reste non plus. Junior Akwety joue avec beaucoup de conviction un Sancho bonhomme et truculent, tandis que Geoffrey Degives attire l’attention par son chant soigné et son timbre séduisant – excellents aussi, Bertrand Duby, Christophe Herrada, Chaib Idrissi et Enrique Kike Noviello, tandis que le vénérable François Beukelaers incarne un Cervantès âgé particulièrement touchant.


Autre motif de satisfaction, et non des moindres: la mise en scène, soutenue et imaginative, de Michael De Cock et Junior Mthombeni. Le duo propose une interprétation contemporaine de cette comédie musicale, en l’inscrivant dans un milieu urbain et multiculturel, sans tomber dans d’horripilants clichés, comme le rap, par exemple, ou la langue. Dans un terrain vague en guise de décor unique, les metteurs en scène exploitent habilement le solide livret de Dale Wasserman, dans lequel la vie de l’écrivain s’entremêle avec celle d’Alonso Quijana, alias Don Quichotte. Les vidéos, certaines réalisées en temps réel, montrent la désespérante réalité de Bruxelles en travaux, ce que suggèrent aussi les éléments de décors, en plus de vues de la province de Castille-La Manche où s’érigent les fameux moulins blancs. Hommage à Bruxelles et plus encore à Jacques Brel, ce spectacle captivant et réjouissant, contre toute attente un des plus beaux selon nous de cette année, se termine sur une image splendide et inattendue: le fond de la scène s’ouvre sur l’esplanade derrière le théâtre, pour permettre à Don Quichotte, Sancho et Cervantès de quitter ensemble la scène et l’édifice, dans un effet d’une rare poésie.



Sébastien Foucart

 

 

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