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Chaleur et ferveur

Paris
Eglise Saint-Roch
12/02/2019 -  et 3 (Dortmund), 6 (Shanghai), 7 (Tongyeong) décembre 2019
Claudio Monteverdi: Vespro della beata Vergine
Dorothee Mields, Barbora Kabátková (sopranos), William Knight, Benedict Hymas, Guy Cutting, Reinoud Van Mechelen (ténors), Wolf Matthias Friedrich (baryton), Peter Kooij (basse)
Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)


P. Herreweghe (© Michiel Hendryckx)


C’est une tradition aussi fortement ancrée dans l’esprit des mélomanes que, à l’approche de Noël, les cadeaux enrubannés, le chapon et la bûche au chocolat: Philippe Herreweghe donne un concert au mois de décembre, en l’église Saint-Roch, lieu qu’il retrouve chaque mois de janvier pour un tout aussi traditionnel concert dédié à des cantates de son cher Bach. Il fait un froid à pierre fendre en ce début de soirée du lundi mais la foule est là: on a même ajouté des chaises au fond de l’église et plus encore de chaque côté de la nef tant la demande fut visiblement importante. Mais, véritable miracle de la musique, le froid qui règne à l’intérieur même de l’église (et qui oblige certains chanteurs à revêtir mitaines, écharpes ou doudounes) finit par être rapidement oublié au bénéfice de la chaleur communicative des artistes qui nous auront donné une version d’anthologie des fameuses Vespro della beata Vergine de Claudio Monteverdi (1567-1643).


Editées au mois de septembre 1610 en même temps que la messe polyphonique à six voix (la Missa In illo tempore, marquant ainsi un retour de Monteverdi à la musique sacrée après la publication de ses Sacrae Cantiunculae en 1582), ces Vêpres frappent par leur richesse musicale, l’orchestre requérant notamment trois saqueboutes et deux cromornes en plus des classiques cordes et basse continue. Si le style emprunte encore beaucoup, par instants, à la polyphonie de la Renaissance, on entre également à plusieurs reprises dans un monde qui n’est pas sans évoquer celui de l’opéra naissant (la véhémence des déclamations, la danse évoquée par les archets des violons solistes...) et dont Monteverdi reste un des grands précurseurs. Le caractère «pluraliste» (d’aucuns diraient «hétéroclite») de ces Vêpres vient également de leur séquençage totalement original. En effet, les parties chantées par le chœur ou les solistes accompagnés d’instruments sont entrecoupées de plusieurs concerti sacri où chaque soliste chante seul (éventuellement en écho avec l’un de ses partenaires), accompagné généralement du luth et de l’orgue, parfois rejoints par le théorbe. En outre, chaque psaume est ici précédé d’une antienne (la liberté interprétative permet de le faire ou non, l’option choisie ce soir par Philippe Herreweghe étant également celle retenue, par exemple, par Jordi Savall ou Leonardo García Alarcón dans leurs enregistrements respectifs) qui, pour l’occasion, furent toutes dirigées de la main par Barbora Kabátková qui sortait du rang des solistes pour l’occasion, le chef flamand allant pour le coup s’asseoir lors de chaque concerto afin de laisser le chanteur seul interpréter sa partie le plus librement possible sur le devant de la scène.


Dès l’introduction (Deus in adjutorium), les couleurs sont présentes, la ferveur s’imposant d’emblée aux oreilles de l’auditeur grâce à une réverbération parfaitement maîtrisée. L’équipe fidèle de Philippe Herreweghe (au premier rang desquels on citera bien entendu Dorothee Mields et Peter Kooij) fut exceptionnelle. Qu’il s’agisse du merveilleux duo de sopranos (le concerto Pulchra es), où le mariage entre la voix plus claire de Mields et celle, un rien plus sombre, de Kabátková fut idéal, ou, par exemple, de l’antienne suivante Regali ex progenie qui requérait trois voix de ténors, on est frappé par la délicatesse de cette partition où tout n’est que dentelle musicale. Presque dansant, le Laetatus sum permit aux voix solistes de s’épanouir doucement, l’instrumentarium s’étoffant notamment des trois saqueboutes en écho et du chœur, habité de façon incroyable et réagissant au quart de tour aux moindres inflexions de la gestique parfois énigmatique d’Herreweghe. La diversité des séquences des Vêpres donne également lieu à des moments d’une poésie rare, à l’instar de ce Duo Seraphim où le luth et Reinoud Van Mechelen en fond de nef dialoguent avec le théorbe et Benedict Hymas restés quant à eux sur le devant de la scène. Les grands ensembles (le Nisi Dominus, qui fait appel à l’orchestre et au chœur, ou le rayonnant Magnificat, dont les diverses parties témoignent de la richesse polyphonique chez Monteverdi) emplissent sans difficulté le volume conséquent de l’église, le public témoignant une attention d’écoute tout à fait louable, le silence ayant une importance particulière dans ce type d’œuvres où les échos doivent retomber le plus délicatement possible, les voix se fondre dans leur environnement avec la plus extrême finesse. Comment de fait ne pas être séduit par cette Sonata sopra «Sancta Maria», où cromornes et violons solistes dansent de nouveau avec l’ensemble des voix féminines, les échanges étant tout aussi beaux avec les voix masculines dans le Fecit potentiam (violons) ou le Deposuit potentes (les deux cromornes jouant en écho l’un avec l’autre avant de céder le terrain aux violons) au sein du Magnificat?


Philippe Herreweghe, comme à son habitude au moment des saluts, va chaleureusement serrer la main ou faire la bise à chaque soliste (et même chaque musicien) avant de se fondre au sein de son ensemble pour recevoir des applaudissements nourris qui saluèrent une prestation d’ensemble de la plus haute qualité. Autant dire que nous avons hâte de retrouver les mêmes dans quelques semaines pour Bach, tradition oblige encore une fois.


Le site du Collegium Vocale de Gand
Le site de Benedict Hymas
Le site de William Knight
Le site de Guy Cutting
Le site de Reinoud Van Mechelen
Le site de Wolf Matthias Friedrich



Sébastien Gauthier

 

 

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