About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Verismo nobile

Baden-Baden
Festspielhaus
11/17/2019 -  
Giacomo Puccini :Preludio sinfonico – Tosca: air «Recondita armonia», duo «Mario! Mario... Son qui!», air «Vissi d’arte» & air «E lucevan le stelle» – Manon Lescaut: Intermezzo & air «Sola, perduta, abbandonata» – La Bohème: duo «O soave fanciulla»
Giuseppe Verdi : Stiffelio: Ouverture – Aida: air «Celeste Aida» et air «Ritorna vincitor»
Pietro Mascagni : Cavalleria rusticana: Intermezzo
Francesco Cilea : L´Arlesiana: air «E la solita storia del pastore»
Umberto Giordano : Andrea Chénier: air «La mamma morta»

Serena Farnocchia (soprano), Joseph Calleja (ténor)
Sinfonieorchester Basel, Giampaolo Bisanti (direction)


J. Calleja, S. Farnocchia, G. Bisanti (© Philippe Manoli)


Malgré l’annulation de Sondra Radvanovsky annoncée vendredi soir, le Festspielhaus de Baden Baden affichait presque complet en ce dimanche 17 novembre pour un concert placé sous le signe quasi exclusif du vérisme. C’est Serena Farnocchia, récente Aïda à Genève et bien connue des mélomanes pour ses succès pucciniens mais aussi mozartiens ou rossiniens, qui remplaçait presque au pied levé la star américano-canadienne, aux côtés du ténor maltais Joseph Calleja. Celui-ci avait déjà foulé cette scène en 2013 pour un concert solo, alors que la soprano toscane faisait ses débuts devant nous en terre de Bade.


C’est par le rare Prélude symphonique de Puccini que débute le concert, et Giampaolo Bisanti nous le fait découvrir au travers d’une direction brillante et efficace, menant l’Orchestre symphonique de Bâle avec une fougue communicative, mais aussi un histrionisme à la longue lassant. Certes, on ne peut lui reprocher son enthousiasme, et on s’amuse d’abord de le voir assumer les répliques du Sacristain dans l’air de Cavaradossi; on ne peut lui reprocher non plus de chanter à voix basse les paroles des airs en accompagnant les chanteurs, et on lui sait même gré de l’efficacité de sa direction, qui infuse sa passion à la phalange helvète et lui permet de sonner avec un éclat impressionnant et une cohésion sans faille dans les tutti mascagniens et pucciniens. Mais on se lasse vite de le voir diriger de profil, voire de trois quarts, se mettant en avant avec force moulinets des bras et sautillements sur son estrade, d’où il ne domine pas l’imposant ténor maltais Joseph Calleja. Par ailleurs, les soli instrumentaux sont moins soignés que les élans de masse, ce qui est dommage.


On était impatient de retrouver Joseph Calleja après un été qui fut pour lui difficile, à Aix comme à Peralada. Malgré l’acoustique peu aisée du Festspielhaus, sa voix irradie de lumière dès les premières notes et on se voit rassuré, malgré quelques notes curieuses à la fin du premier air de Cavaradossi. L’ampleur de l’instrument, l’exceptionnelle diction, la beauté du timbre, la noblesse du phrasé dans un répertoire vériste, la projection exceptionnelle concourent à enthousiasmer un public peut-être conquis d’avance, et la star ne boude pas son plaisir face aux ovations reçues, tout sourire et lui envoyant de nombreux baisers.


La tâche semblait plus ardue pour Serena Farnocchia, moins connue du public, et obligée de mettre ses pas dans ceux d’une autre, le programme restant quasi inchangé. Mais si son instrument n’a pas l’ampleur de celui du ténor, elle en use avec beaucoup de talent, maîtrisant un beau vibrato avec un art consommé, usant d’une grande longueur de souffle quand le chef lui en donne l’occasion (certains tempi excessivement rapides gênant le phrasé des deux chanteurs). Sa Tosca, sa Manon Lescaut surtout, montrent ce que peut et doit être un vérisme noble, et le programme du concert a bien raison, au détour d’une photographie, d’invoquer les mânes de Claudia Muzio. Car c’est l’art des Muzio, Olivero et Callas même que fait revivre Farnocchia, dans le dosage habile de graves peu poitrinés, de phrasés admirablement pensés et ensorcelants, d’aigus fortissimo parfaitement focalisés et percutants, pour emporter un public conquis au fur et à mesure, jusqu’à une «Mamma morta» qui déclenche une grande ovation. Et si elle n’a pas tout à fait les moyens du soprano drammatico d’Aïda, elle dégage néanmoins une intense émotion en faisant vivre le personnage avec un réel talent d’incarnation, grâce à un sens assumé du verbe italien et de la couleur vocale. Ce n’était pas gagné d’avance, car elle semblait au début un peu mal à l’aise devant un Calleja ivre de joie d’être là, jouant les sigisbées avec candeur et émotion, remplissant la vaste salle de son grandiose volume doré, et elle assumait plus difficilement que le ténor les petits embrassements joués dans les duos d’amour. Mais la coquetterie de Tosca lui a permis de reprendre de l’assurance, avec des «falle gli occhi neri» mutins.


Joseph Calleja, malgré un inutile air de Radamès, quelque peu hors thème et manifestant sa volonté de se tourner vers de périlleux rôles lourds, avait laissé une bonne impression lors de la première partie. Ce fut plus difficile au retour, les problèmes d’aigus devenant récurrents après la pause, ce qui permet de penser qu’il n’a pas encore tourné la page estivale. Ces difficultés semblaient pousser le public à plus d’enthousiasme encore à son égard pour le soutenir, et les ovations sont allées crescendo, jusqu’au duo de La Bohème replacé en fin de concert, et magnifiquement interprété par les deux protagonistes, avec un contre-ut final du ténor enfin libéré, depuis la coulisse.


Les deux artistes offrent, en lieu et place du duo d’Andrea Chénier initialement prévu, une chanson napolitaine en version duo, Non ti scordar di me d’Ernesto de Curtis, où ils se montrent tous deux à leur meilleur, déclenchant une standing ovation du public badois. On sait gré à Serena Farnocchia d’avoir relevé ce défi ardu, et on ne manquera pas de suivre cette belle artiste, en espérant que Joseph Calleja retrouve très vite l’intégralité de ses moyens enchanteurs.



Philippe Manoli

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com