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"Amazing Grace"

Toulouse
Théâtre du Capitole
11/29/2001 -  
Récital de la mezzo-soprano Grace Bumbry.
" Hommage à Lotte Lehmann "
Schubert, Brahms, Liszt, Berlioz, Schumann, Strauss.

Helmut Deutsch, (piano)


Rares sont les artistes qui peuvent se féliciter, après quelque quarante années de fidèles et loyaux services rendus à la Musique, de pouvoir relever avec bonheur le défi du récital. Et pourtant, Grace Bumbry a encore tout d'une grande ! Elle pourrait en remontrer à la nouvelle génération de fragiles rossignols, laquelle, pour avoir prétendu trop vite jouer les Icare, s'est quelque peu brûlé les ailes ! Loin d'avoir dilapidé un tel don du Ciel, celle qui incarna à la perfection Eboli, Amneris, une Vénus bayreuthienne à damner tous les pèlerins et anachorètes de la planète - ou encore une Ariane (Paul Dukas) mémorable à Paris en 1975 -, a offert aux Toulousains un luxueux concert-hommage à son illustre tutrice Lotte Lehmann.


Et d'admirer la présence radieuse de l'artiste, son charisme de musicienne accomplie, très consciente de ses moyens actuels. Là, un constat s'impose : par-delà l'inévitable passage des ans qui amène quelquefois d'infimes tensions dans l'aigu, il est clair que Grace Bumbry a dû signer un pacte secret avec quelque bienveillant diablotin, tant le timbre moiré - toujours aussi miraculeux - a gardé son insolence et son émail d'antan. Mieux : le grave s'est même amplifié, et émerveille dans Schubert, tendre et mélancolique ; ou Brahms rêveur, d'une luminosité boréalienne. C'est presque à genoux qu'on reçoit, à titre d'offrande, les deux enluminures de Liszt : Enfant, si j'étais roi et Oh, quand je dors - sur des poèmes de Victor Hugo.


Ici, la mezzo américaine se mue en une Armide ou Circé ensorcelleuse ; et dans ce lyrisme torrentiel nous inonde d'un chant à fleur de lèvres, d'une cascade de notes ténues, d'un déferlement de piani exquis - d'un ruissellement d'audacieuses demi-teintes cristallines. Surtout dans Oh, quand je dors, on reste ébahi devant un legato impérial et un grave opulent comme jamais : un bijou étincelant. A ce moment précis, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Point de détimbrage intempestif en effet ; de poitrinage abusif ou de vibrato caprin accentuant un déclin inexorable : triste apanage des "vieilles" cantatrices en fin de course, style Castafiore, ou artiste déchue rappelant Gloria Swanson, pathétique dans Boulevard du Crépuscule.


L'incomparable Grace peut se targuer de marcher toujours "crânement" sur tous les chemins... Nouvel enchantement avec Schumann ; interprétation superlative de la romance de Marguerite, extraite de la Damnation de Berlioz ; ce qui n'est guère étonnant si on se souvient de l'engagement avec lequel elle a ardemment défendu le répertoire français (elle s'offrit même le luxe de chanter, et Cassandre, et Didon, à Bastille en 1989, au cours de mémorables représentations inaugurales). Pour paraphraser Pelléas, cette voix qui semble venue d'en haut empoigne jusqu'au fond du coeur, avec les lieder mordorés, aux sonorités opalescentes, de Richard Strauss, nimbés de langueur crépusculaire (Ständchen et Cäcilie) : hélas, c'est la fin du concert, du moins en apparence.


La fin ? Que nenni ! Grace revient, et va même "casser la baraque" en se lançant dans quatre bis ébouriffants - par lesquels elle enflamme littéralement le Capitole. Se succèdent deux mélodies d'Obradors (Al Cabello, El Vito), qui évoquent De Falla, puis un gospel-spiritual de facture gerschwinienne et la cerise sur le gâteau : la Séguedille de Carmen, l'un de ses rôles fétiches. Son comparse, Helmut Deutsch, s'avère un parfait partenaire ; et non un ordinaire accompagnateur faire-valoir. Grâce à vous, qui vécûtes d'art et d'amour, et à vos chants d'action de Grâce ; c'est nous-mêmes, dans une Toulouse sinistrée et traumatisée, qui avons eu la Grâce d'être, enfants ou non, les rois d'un soir, "par un baiser de vous, par un regard de vous"




Etienne Müller

 

 

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