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L’élégance d’une baguette

Paris
Philharmonie
09/09/2019 -  
Odőn Pártos: Concertino pour cordes
Joseph Haydn: Symphonie concertante pour violon, violoncelle, hautbois et basson en si bémol majeur, Hob. I:105
Hector Berlioz: Symphonie fantastique, opus 14

Christopher Bouwman (hautbois), Daniel Mazaki (basson), David Radzynski (violon), Emanuele Silvestri (violoncelle)
Orchestre philharmonique d’Israël, Zubin Mehta (direction)


Z. Mehta


Au mois de décembre 2016, la nouvelle tombait: Zubin Mehta, vénérable chef de 81 ans, laissait sa place de directeur musical de l’Orchestre philharmonique d’Israël au jeune Lahav Shani, pianiste et chef israélien de 29 ans seulement... Il avait ainsi annoncé qu’il abandonnerait son mandat en 2019 (cinquante ans après avoir fait ses débuts à la tête de cet orchestre, remplaçant au pied levé Eugene Ormandy) et, de fait, il devait effectuer à la tête de cette phalange une tournée d’adieux en 2018. Malheureusement, Zubin Mehta connut de graves problèmes de santé qui le conduisirent notamment à annuler une tournée avec l’Orchestre philharmonique de Vienne aux mois d’avril et mai 2018. Après un bref retour lui ayant permis de diriger deux concerts à la fin du mois de juin 2018 à la tête de l’Orchestre du Mai musical de Florence, il dut une nouvelle fois interrompre durablement ses activités musicales, repoussant donc à 2019 cette tournée d’adieu qui trouva sans doute dans le concert donné au parc Yarkon de Tel Aviv le 14 juillet dernier son moment le plus émouvant.


Pour ceux qui n’avaient pas vu Zubin Mehta depuis sa dernière venue à Paris, ce dut être un choc que de le voir arriver sur scène à petits pas, appuyé sur une canne, chaleureusement applaudi par un public qui sait malheureusement que ses venues ne vont que se raréfier. Et pourtant, dès les attaques du Concertino pour cordes (1932) d’Odőn Pártos (1907-1977), lui-même ancien altiste de l’orchestre et ancien professeur de plusieurs de ses membres actuels, la baguette de Zubin Mehta se révèle vive, précise, le geste étant toujours aussi beau à regarder même si l’amplitude des volutes dessinées par ses bras est moins large que par le passé. L’œuvre, brève (à peine 10 minutes), joue sur un ostinato qui se transmet à chaque pupitre de cordes, relativement frénétique en dépit d’un bref mais tendre passage élégiaque au premier tiers du morceau. D’emblée, les cordes israéliennes se montrent sous leur meilleur jour, suscitant de belles couleurs pour un hors-d’œuvre qui a été ajouté à la dernière minute à la demande du chef, participant ainsi de l’hommage que lui-même souhaitait sans doute rendre à l’orchestre.


Depuis quand n’avait-on pas entendu en concert la rarissime Symphonie concertante pour violon, violoncelle, hautbois et basson de Haydn? Quel dommage, à son écoute, que ce type de formations (on pense également à la Sinfonia concertante K. 297 de Mozart pour instruments à vent) ne soit pas davantage donné! Car ce fut sans doute là le plus beau moment de la soirée. L’interprétation, bénéficiant d’un quatuor de solistes du plus haut niveau (dominés par l’excellent David Radzynski, un des premiers violons solo de l’orchestre), fut étincelante grâce à des échanges d’une fluidité et d’une finesse sans pareil (le violon et le hautbois dans l’Allegro introductif, la tendresse un rien nostalgique de l’Andante, les traits facétieux de l’Allegro con spirito conclusif après certes une entrée un peu plus sévère). En dépit de ses effectifs conséquents (une bonne vingtaine de cordes auxquels il convient d’ajouter ajouter les bois et les cuivres), l’Orchestre philharmonique d’Israël fut au diapason de cette beauté musicale, symbolisée par la direction également pleine d’élégance de Zubin Mehta.


Année Berlioz oblige, la seconde partie du concert nous a permis d’entendre une nouvelle fois la Symphonie fantastique. Si l’originalité du choix est plus que discutable, l’interprétation nous aura offert un très beau moment grâce à un orchestre qui sut répondre au doigt et à l’œil de Zubin Mehta, véritable orfèvre dans cette œuvre si rabâchée. Les deux premiers mouvements ne furent pourtant pas les plus convaincants. Ainsi, si «Rêveries. Passions» a surtout joué sur les masses, avec des cordes très présentes, empruntant davantage au galbe germanique qu’à la clarté française au détriment des bois bien souvent, le deuxième mouvement («Un bal») manqua de légèreté et ne s’avéra pas aussi virevoltant qu’on aurait pu le souhaiter. En revanche, la «Scène aux champs» fut merveilleuse, Zubin Mehta veillant à la variété des nuances, y compris les plus impalpables, mouvement servi par un orchestre extrêmement coloré et dont Dmitry Malkin au cor anglais fut le héros. Pour une fois, la «Marche au supplice» sut transmettre la peur et la gravité qui lui font souvent défaut, tandis que le «Songe d’une nuit du sabbat», sans être étourdissant, offrit une belle variété de contrastes qui suscita l’enthousiasme de la salle, les applaudissements redoublant au moment où le chef se retourna pour saluer.


En bis, une œuvre que l’on n’associe guère à l’Orchestre philharmonique d’Israël: Sous le tonnerre et les éclairs de Johann Strauss fils dans une interprétation peu viennoise mais qui rappela à qui l’aurait oublié que Zubin Mehta, outre ses études à Vienne dans la classe de direction d’orchestre du célèbre Hans Swarowsky (la même classe que Claudio Abbado!), dirigea pas moins de cinq fois le célèbre Concert du Nouvel An. Une autre façon de boucler la boucle...


Le site de Zubin Mehta
Le site de l’Orchestre philharmonique d’Israël



Sébastien Gauthier

 

 

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