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Vous avez dit «sulpicien»?

Cahors
Rocamadour (Basilique Saint-Sauveur)
08/07/2019 -  
Henriette Renié : Andante religioso
Mel Bonis : Adoro te, opus 150
Léon Boëllmann : Six Motets: 6. «Ave Maria»
Camille Saint-Saëns : Quam dilecta, opus 148 – Fantaisie pour violon et harpe, opus 124 – Offertoire pour la Toussaint «Justorum animæ»Sub tuum præsidiumTu es Petrus, opus 147 – O salutarisDeus Abraham
Léo Delibes : Agnus DeiAve maris stella
Alexandre Guilmant : O salutaris, opus 37
André Caplet : Adagio pour violon et orgue
Ernest Chausson : Trois Motets, opus 16: «Pater noster»
Louis Ganne : Invocation pour violon, harpe et orgue
Louis Vierne : Ave Maria, opus 3
Gabriel Fauré : Deux Motets, opus 65: «Tantum ergo»
Louis Aubert : O salutaris

Ensemble La Sportelle: Lætitia Corcelle (soprano), Alix Leparoux (alto), Kaëlig Boché (ténor), Cédric Baillergeau (basse), Elsa Grether (violon), Nathalie Cornevin (harpe), Emmeran Rollin (orgue)




Quel plaisir que de voir l’ampleur que prend, année après année, le Festival de musique sacrée de Rocamadour! Sous le parrainage de Laurence Ferrari, la quatorzième édition pourrait se contenter d’afficher son lot de vedettes: Simon-Pierre Bestion, Sabine Devieilhe, Lea Desandre, Thomas Dunford, Thierry Escaich, Raphaël Pichon, Ferenc Vizi, Jean-François Zygel et même, pour le 15 août, un grand concert en plein air avec Renaud Capuçon au pied de la cité. Mais ce serait sans compter avec ce qui, outre un lieu d’exception, confère sa spécificité à cette manifestation: récitals d’orgue, «mini-concerts» de l’après-midi, «clefs d’écoute» avec des musicologues, échanges avec les artistes, «concert gastronomique», stage «Cantica sacra» et visites de la vallée de la Dordogne. Sous le titre «Des dialogues, des reliefs», la programmation, que l’on doit à l’organiste Emmeran Rollin, directeur artistique, ainsi qu’à la soprano Lætitia Corcelle et au ténor Enguerrand de Hys, conseillers artistiques, se révèle donc extrêmement diverse, susceptible d’intéresser le grand public comme le mélomane curieux, et se déroule, du 5 au 26 août, en trois temps correspondant chacun à une semaine: «Ecriture/improvisation», «Orient/Occident» et «Baroque italien/allemand».



(de bas en haut) L. Corcelle, A. Leparoux, E. Rollin, N. Cornevin, E. Grether, C. Baillergeau, K. Boché (© Louis Nespoulous)


L’insigne que les pèlerins revenant de Rocamadour portaient à leur vêtement ou à leur chapeau s’appelait la sportelle, nom adopté par l’ensemble à géométrie variable créé fin 2017 par le festival. Sous la direction de Lætitia Corcelle, il se donne pour mission de «contribuer au rayonnement de la musique sacrée au niveau régional et national [...] sans limite de style ni de siècle». Dès lors, le programme «Paris Sacré au XIXe siècle» composé par le Palazzetto Bru Zane semble fait pour lui. En trois parties successives – «Les émotions du croyant», «Le doute» et «L’espérance de la rédemption, calme et sérénité» –, dix-neuf pièces vocales ou instrumentales, sacrées ou profanes, de douze compositeurs associent en différentes formations un quatuor vocal, le violon, la harpe et l’orgue pour remettre en valeur un répertoire qui, dormant dans les bibliothèques, n’a généralement pas eu les honneurs du disque bien que comprenant de grands noms de cette période, à commencer par Saint-Saëns.


Si, destinées aux offices religieux, elles ne réservent généralement pas de grandes surprises rythmiques et harmoniques, ces 90 minutes de musique données sans entracte dans la généreuse acoustique de la basilique Saint-Sauveur (XIIIe/XIXe) – ce qui permet d’entendre l’orgue de Jean Daldosso (2013) évoquant la proue d’un navire, joué par Emmeran Rollin – n’en captivent pas moins de bout en bout. On pouvait en effet craindre une certaine uniformité, mais le paysage de la musique religieuse au tournant du siècle passé apparaît en réalité remarquablement varié.


Car la frontière entre l’opéra, les salons et l’église ne se dessine pas de manière très tranchée – mais cela n’a-t-il pas été le cas à toutes les époques? Ainsi, bien que marqué religioso, un Andante (1905?) pour violon et harpe de la harpiste Henriette Renié (1875-1956) n’a pas grand-chose à envier à la Méditation de Thaïs, de même que l’Invocation pour violon, harpe et orgue (1904) de Louis Ganne (1862-1923) – on ne s’attendait pas forcément à trouver ici l’auteur des Saltimbanques. Quant à l’auteur de Lakmé, Léo Delibes, son Agnus Dei (1892) pourrait fort bien être un duo d’opéra – mais ce n’est pas le cas de son Ave maris stella (1891). On ne sera pas non plus étonné du caractère sulpicien de certaines pièces – Adoro te a cappella de Mel Bonis (1858-1937), Ave Maria (1887) de Léon Boëllmann (1862-1897), O salutaris (1873) d’Alexandre Guilmant (1837-1911). Mais quel quelle délicieuse et moelleuse sensualité dans le Tantum ergo (1894) de Fauré ou dans l’O salutaris (vers 1902) de Louis Aubert (1877-1968)!


C’est Saint-Saëns qui se taille la part du lion non seulement par le nombre des œuvres retenues – O salutaris (vers 1860), Sub tuum præsidium (vers 1860), Deus Abraham (1885), Offertoire pour la Toussaint «Justorum animæ» (1904), Fantaisie pour violon et harpe (1907), plus longue page de ce programme (bien qu’instrumentale et profane), Tu es Petrus (1914) et Quam dilecta (1915) – mais par leur qualité, avec une claire volonté de sortir des sentiers battus et une richesse d’expression plus élevée, fondée sur une plus grande richesse harmonique. Dans ce registre, il n’est guère concurrencé que par l’Adagio pour violon et orgue (1900) de Caplet, le Pater noster (1891) de Chausson et l’Ave Maria (vers 1890) de Vierne.


En onze combinaisons différentes (depuis le solo vocal ou instrumental avec orgue jusqu’au tutti en passant par l’association violon et harpe), au centre de la basilique comme depuis la tribune (lorsqu’il est seulement accompagné par l’orgue), l’ensemble La Sportelle, au sein duquel se signale un quatuor vocal d’une agréable homogénéité, s’est remarquablement approprié ces musiques. Un disque est annoncé: il vaudra qu’on y prête attention, car il y a tout lieu de se réjouir qu’elles soient enfin enregistrées.

Le site du Festival de Rocamadour



Simon Corley

 

 

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