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Une question universelle et intemporelle

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Théâtre antique
08/02/2019 -  et 6* août 2019
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527
Erwin Schrott (Don Giovanni), Adrian Sâmpetrean (Leporello), Mariangela Sicilia (Donna Anna), Stanislas de Barbeyrac (Don Ottavio), Karine Deshayes (Donna Elvira), Annalisa Stroppa (Zerlina), Igor Bakan (Masetto), Alexeï Tikhomirov (Il Commendatore)
Chœurs des Opéras d’Avignon et de Monte-Carlo, Stefano Visconti (coordination), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Frédéric Chaslin (direction musicale)
Davide Livermore (mise en scène et décors), Giancarlo Judica Cordiglia (assistant à la mise en scène), Rudy Sabouinghi (costumes historiques), Stéphanie Putegnat (costumes contemporains), Antonio Castro (lumières), D-Wok (vidéos)


(© Gromelle)


Un taxi jaune déboule à vive allure sur le plateau du Théâtre antique d’Orange, dans un crissement de pneus. Leporello est au volant, Don Giovanni est son passager. Puis arrive un gros 4X4 noir, duquel sort un Commandeur aux allures de chef mafieux, entouré de gardes du corps armés. Un peu plus tard, c’est une calèche tirée par deux chevaux qui fait son apparition. En descendent Donna Anna et Don Ottavio en habits du XVIIIe siècle, aidés par des laquais en livrée. Le taxi revient, mais cette fois tracté par les chevaux. Habits d’aujourd’hui et costumes d’époque, présent et passé, répétitions des mouvements des voitures... pour le metteur en scène Davide Livermore, Don Giovanni est un mythe universel, un personnage qui traverse toutes les époques. Au début du spectacle, le duel entre lui et le Commandeur se solde par la mort des deux protagonistes. La même scène sera répétée pendant l’air du champagne puis à la fin de l’ouvrage. La question de Leporello « Qui est mort ? Vous ou le vieillard ? » devient ainsi le fil rouge du spectacle. La réponse varie au fil des siècles : qui a vaincu qui ? L’ordre, représenté par le Commandeur, ou la liberté, incarnée par Don Giovanni ? Le propos est intelligent et cohérent, même s’il est parfois émaillé d’intentions confuses. Pourquoi, par exemple, les photos qui accompagnent l’air du catalogue représentent-elles des femmes assassinées, dans une morgue ? Toujours est-il qu’avec cette production, les vénérables Chorégies d’Orange – qui ont fêté cette année leur cent cinquantième anniversaire – sont entrées dans l’ère de la modernité, et il faut s’en réjouir. On retiendra aussi l’habile projection de vidéos sur le mur du Théâtre antique, coordonnées à la seconde près, pour symboliser un palais et ses fenêtres, avec la statue d’Auguste faisant office de Commandeur. La poésie n’est pas absente non plus, avec des vagues ondulant sur le plateau pendant le duo entre Zerlina et Masetto (« Batti batti » ). Ni l’humour d’ailleurs, avec un Don Giovanni voyeur en format XXL derrière une colonne ou un ascenseur qui monte et descend le long du mur.


Avec Don Giovanni, Erwin Schrott tient le rôle de sa carrière, un rôle qu’il promène avec bonheur sur pratiquement toutes les scènes lyriques de la planète. Le chanteur est parfaitement à l’aise dans son personnage, confondant de naturel, charmeur et séducteur en diable, se permettant de lancer des regards complices aux spectateurs des premiers rangs. Sa projection insolente est idéale pour un lieu aussi vaste que le Théâtre antique. Seul bémol : son italien incompréhensible dans les récitatifs. Difficile d’exister à côté d’une telle bête de scène, et effectivement le Leporello d’Adrian Sâmpetrean pâtit du charisme de son maître, même si l’interprète ne manque ni de moyens vocaux ni de ressources scéniques. Karine Deshayes incarne une superbe Donna Elvira, aux accents nobles et impérieux. Stanislas de Barbeyrac est tout aussi convaincant en Don Ottavio racé et élégant, au phrasé raffiné. Mariangela Sicilia campe avec délice une Donna Anna totalement schizophrénique, à la fois consentante avec Don Giovanni et prude avec son fiancé. Vocalement, son timbre lumineux fait merveille, même si ses vocalises sont souvent approximatives. La Zerlina espiègle et rayonnante d’Annalisa Stroppa aurait mérité bien mieux que le Masetto fruste et pâlot d’Igor Bakan. On saluera également le Commandeur sonore et lugubre d’Alexeï Tikhomirov. Aux commandes de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, Frédéric Chaslin empoigne le dramma giocoso de Mozart avec une Ouverture lente et majestueuse, faisant croire un instant que le drame va l’emporter sur la comédie. Mais il n’en est rien, la direction s’allégeant par la suite pour devenir vive et fluide, alternant drame et comédie, au diapason de la mise en scène.


L’édition 2019 des Chorégies d’Orange se termine donc sur un beau succès, même si des sifflets ont accueilli l’équipe de production au terme de la première représentation. Le programme de l’année prochaine ne sera annoncé qu’en décembre, mais on sait d’ores et déjà que sur les deux opéras proposés en 2020, un n’aura encore jamais été donné au Théâtre antique. Le directeur de la manifestation, Jean-Louis Grinda, entend bien continuer à faire souffler un vent nouveau sur Orange.



Claudio Poloni

 

 

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