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L’eau et le feu Verbier
Salle des Combins
07/21/2019 -
Rodion Chtchedrine : Concerto Dolce
Robert Schumann : Andante et Variations, opus 46
Johann Sebastian Bach : Concerto pour deux claviers en ut mineur, BWV 1062
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto n° 10 pour deux pianos en mi bémol majeur, K. 316a [365]
Lawrence Power (alto), Sergei Babayan, Daniil Trifonov (piano)
Verbier Festival Chamber Orchestra, Gábor Takács-Nagy (direction)
S. Babayan, D. Trifonov (© Lucien Grandjean)
Le temps d’un concert on aura pu entendre réunis le maître et son disciple, Sergei Babayan et Daniil Trifonov, stars absolues de ce début du Festival de Verbier 2019.
Mais comme tout bonheur se mérite, avant cette communion en Schumann, Bach et Mozart, il aura fallu écouter, découvrir pour beaucoup, une œuvre peu palpitante de Rodion Chtchedrine (né en 1932), son Concerto Dolce pour alto, orchestre à cordes et harpe, créé en 1997 par Youri Bashmet. La présence de cette œuvre de tonalité triste au programme peut surprendre par son simple choix déséquilibrant un programme festif par ailleurs. Mais ce compositeur russe prolixe, pilier de la musique officielle de l’Union soviétique, est régulièrement programmé dans la station suisse, où il réside l’été et où l’on pouvait le croiser avec son épouse la danseuse étoile du Bolchoï Maïa Plissestskaïa, disparue en 2015. Ce long concerto de belle facture originale avec la harpe pas vraiment engagée dans un dialogue avec l’alto mais intervenant pour des alliances subtiles de sonorités, a été défendu par un soliste de tout premier plan, l’altiste anglais Lawrence Power et surtout le chef hongrois Gábor Takács-Nagy tenant l’Orchestre de chambre du Festival de Verbier d’une direction précise et millimétrée. L’œuvre a remporté un grand succès et le compositeur, présent aux saluts, a été très acclamé.
Ce fut ensuite le tour du duo Babayan/Trifonov d’emporter un triomphe. Ce duo que l’on a vu naître sur cette scène, notamment à l’occasion des concerts d’anniversaire ou de gala du Festival de Verbier, se produit désormais régulièrement, notamment aux Etats-Unis, où il est programmé cet été dans des festivals prestigieux. Babayan et Trifonov, c’est a priori le mariage de l’eau et du feu! Mais la grande complicité entre le jeune pianiste et le mentor qui l’a formé à la grande carrière qui l’attendait après son triomphe au Concours Tchaïkovski en 2011, fait que la confrontation de ces deux personnalités, le Russe impulsif et d’une puissance et d’une énergie rares et l’Arménien au tempérament plus oriental et à la sonorité plus ronde (il est fascinant d’observer sur les écrans géants la quasi-immobilité de ses petites mains entrant quasiment dans le clavier contrastant avec le toucher nerveux de son élève) réussit une osmose tout à fait singulière et inattendue.
Andante et Variations de Schumann, œuvre domestique créée par Clara Schumann et Mendelssohn, donnée dans sa version définitive pour deux pianos, passe comme un songe, un régal de sonorités et d’harmonies peut être un peu trop confidentiel dans cette grande Salle des Combins, mais assure idéalement la transition avec les deux grands concertos classiques, pièces de résistance attendues du concert.
Pas de surprise dans le Concerto pour deux claviers en ut mineur de Bach, tant le duo est bien rodé et emmène l’auditeur dans des hauteurs célestes de son Andante. Mais c’est dans le Concerto pour deux pianos de Mozart qu’une véritable rivalité sonore et rythmique s’établit entre les deux pianistes, faisant jouer le contraste de ces deux personnalités qui réussit toujours à se résoudre dans les solutions les plus musicales. C’est encore avec Mozart, mais réunis à quatre mains sur le même piano, qu’ils ont régalé une dernière fois le public enthousiaste avec le très enjoué premier mouvement de la Sonate en ré majeur.
Olivier Brunel
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