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Le meilleur du bel canto

Bad Wildbad
Trinkhalle
07/18/2019 -  et 21, 27 juillet 2019
Gioachino Rossini : Matilde di Shabran
Francisco Brito (Corradino), Sara Blanch (Matilde), Shi Zong (Raimondo), Victoria Yarovaya (Edoardo), Emmanuel Franco (Aliprando), Giulio Mastrototaro (Isodoro), Lamia Beuque (Contessa d’Arco), Ricardo Seguel (Ginardo), Julian Henao Gonzalez (Egoldo, Rodrigo)
Górecki Chamber Choir, Marcin Wróbel (chef de chœur), Orkiestra Passionart, José Miguel Pérez-Sierra (direction musicale)
Stefania Bonfadelli (mise en scène, costumes), Serena Rocco (scénographie), Michael Feichtmeier (lumières)




On comprend tout de suite, en contemplant le site majestueux de Bad Wildbad depuis les hauteurs, pourquoi Rossini vint y faire une halte en 1856: cernée par les montagnes dans une enclave au cœur de la Forêt noire, la ville dédiée aux bains, à l’instar de ses voisines Baden-Baden ou Karlsbad, attire autant des curistes pour son air pur et ses eaux bienfaisantes, que des passionnés d’activités sportives en tout genre – de la randonnée au VTT. Si cette ville de 10000 habitants a souffert des regrettables erreurs architecturales de l’après-guerre, elle conserve néanmoins quelques joyaux incontournables, tels que les Bains du Roi Karl de Wurtemberg (König-Karls-Bad), tout en bénéficiant de la présence du festival lyrique Rossini depuis 1989 (voir notamment l’une des représentation donnée l’an passé pour les trente ans de la manifestation), au renom international. En plus des concerts organisés dans toute la ville, trois grandes productions sont présentées chaque année avec de jeunes espoirs du bel canto, qui ont la possibilité de parfaire leur technique et leur style sous les conseils avisés de l’un des meilleurs spécialistes de Rossini, Reto Müller, par ailleurs président de la Deutsche Rossini Gesellschaft.



E. Franco, S. Blanch (© Patrick Pfeiffer für Rossini in Wildbad)


Rien d’étonnant, dès lors à ce que Naxos édite les nombreuses raretés dévoilées chaque année par Bad Wildbad (voir par exemple L’occasion fait le larron) afin de faire connaitre l’ensemble des ouvrages du Cygne de Pesaro. Pour autant, on doit à Decca la bonne idée de réunir Annick Massis et Juan Diego Flórez pour défendre au disque la sous-estimée Matilde di Shabran, dans son adaptation napolitaine enregistrée sur le vif à Pesaro en 2004. Alors que Bad Wildbad avait également donné cette version en 1998, le festival se tourne cette année vers la toute première mouture romaine de 1821, réputée achevée en toute hâte avec l’aide de Giovanni Pacini, tout en y incorporant des extraits d’ouvrages anciens de Rossini. L’ouvrage présenté à Naples permettra au maître de remplacer les apports de son collègue, avant qu’une nouvelle version viennoise n’ajoute un air original pour Corradino (remplaçant l’air romain ancien, supprimé à Naples). Il est à noter que les représentations données cette année à Bad Wildbad font l’impasse sur cet air, du fait du retrait à la dernière minute du ténor Michele Angelini, pour cause d’accident neurologique (cela ne s’invente pas), heureusement sans gravité.


Son remplaçant, Francisco Brito, ne connaissant que le rôle napolitain, a en effet préféré alléger sa partie déjà fort conséquente – surtout pendant l’interminable premier acte, d’une durée d’environ 2 heures sans entracte. On saluera bien entendu la performance au pied levé du ténor argentin, qui fait valoir sa petite voix par une émission de velours et des phrasés de caractère. Si l’émission est parfois un peu nasale, on notera une certaine fatigue au cours de la soirée, bien compréhensible, et quelques difficultés dans les vocalises, moins aériennes que sa partenaire Sara Blanch (Matilde). Il est vrai que la soprano espagnole irradie à chacune de ses interventions, tant son aisance technique confondante ne semble pouvoir être prise en défaut, au service d’une interprétation dramatique admirable de naturel. Avec ses aigus rayonnants, elle est la plus belle révélation vocale de la soirée, aux côtés de l’impeccable Victoria Yarovaya (Edoardo), toute de puissance maîtrisée et de couleurs. Son agilité sur toute la tessiture, comme son sens des nuances, lui valent des applaudissements nourris en fin de représentation, à l’instar des deux chanteurs précités.


Tout le reste de la distribution montre un bon niveau homogène, à la hauteur de l’événement. On notera tout particulièrement la basse solide de Ricardo Seguel (Ginardo) ou la belle musicalité de Lamia Beuque (Contessa d’Arco). La relative déception vient de la direction engagée mais trop sonore de José Miguel Pérez-Sierra, qui oublie de s’adapter à cette petite salle de 400 places, en forme de boîte à chaussure. Il couvre ainsi à plusieurs reprises ses chanteurs dans les tutti, tandis que le chœur, de bonne tenue, parvient plus facilement à passer la rampe. On conclura enfin sur la banale mise en scène de Stefania Bonfadelli qui, malgré une bonne idée de départ, n’apporte pas grand-chose sur la durée. La belle scénographie de Serena Rocco permet de transposer l’action dans le monde machiste de l’entreprise, en lien avec la misogynie de Corradino, ici transformé en rédacteur en chef omniprésent. Pour autant, il aurait fallu aller plus loin dans cette idée, notamment pendant la première heure entièrement masculine, qui permet de douter de la virilité de Corradino, aux allusions constantes dans le livret. Cela aurait permis de dépasser les faiblesses de cette version romaine inégale, qui n’évite pas l’alternance de remplissage avec des airs et ensembles de toute beauté. Dommage.



Florent Coudeyrat

 

 

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