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Une Suisse de carte postale à Orange

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Théâtre antique
07/12/2019 -  
Gioacchino Rossini : Guillaume Tell
Nicola Alaimo (Guillaume Tell), Annick Massis (Mathilde), Celso Albelo (Arnold), Jodie Devos (Jemmy), Nora Gubisch (Hedwige), Nicolas Cavallier (Walter Furst), Nicolas Courjal (Gessler), Cyrille Dubois (Ruodi), Philippe Kahn (Melchtal), Philippe Do (Rodolphe), Julien Veronese (Leuthold), Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo et du Théâtre du Capitole de Toulouse, Stefano Visconti (coordination), Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Gianluca Capuano (direction musicale)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Eric Chevalier (décors), Françoise Raybaud (costumes), Laurent Castaingt (lumières), Eugénie Andrin (chorégraphie), Arnaud Pottier, Etienne Guiol (vidéos)


(© Gromelle)


Pour leur cent cinquantième anniversaire, les Chorégies d’Orange se sont offert une programmation inédite. Guillaume Tell vient en effet d’être représenté pour la première fois au Théâtre antique. Depuis qu’il a repris les rênes du plus ancien festival de France, Jean-Louis Grinda, par ailleurs directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, entend faire souffler un vent novateur et proposer des titres originaux. Pour le dernier ouvrage de Rossini, écrit pour Paris à l’aube des événements de 1830, il a repris en l’adaptant pour le nouveau lieu la mise en scène qu’il avait réglée lui-même à Monaco en janvier 2015, avec la même distribution dans les rôles principaux. Sur l’immense mur du Théâtre sont projetées des vidéos montrant une Suisse de carte postale, avec ses forêts, ses clairières et ses montagnes. Les choristes et les figurants sont habillés en costumes folkloriques. La mise en scène cultive le premier degré, se contentant de raconter l’histoire de façon simple et compréhensible, sur un plateau totalement nu. Elle n’évite pas un certain statisme, mais offre aussi quelques moments spectaculaires, notamment lorsque, pour évoquer une tempête, apparaissent sur le mur des images d’éclairs et sur le sol des vidéos de vagues. L’arrivée de Gessler et de ses soldats, dans des costumes noirs rappelant les années 1930, donne lieu à des vidéos de château décoré de blasons. Une idée originale aussi : sur toute la largeur de l’avant-scène s’étend une petite bande de terre sur laquelle, au début du spectacle, Guillaume Tell tire péniblement un soc. Immensité du lieu oblige, la pomme que le héros doit viser, posée sur la tête de son fils, est énorme, pour que chacun puisse la voir.


Si la réalisation scénique ne tient pas toutes ses promesses, la partie vocale et musicale comble, elle, toutes les attentes ou presque. Les seconds rôles sont excellents, à commencer par le superbe Ruodi de Philippe Dubois, qui fait forte impression dans son air « Accours dans ma nacelle ». Nicolas Courjal campe un Gessler particulièrement sombre et méchant, au timbre incisif. Philippe Kahn est un Melchtal noble et sonore. Jodie Devos prête sa voix claire et juvénile à Jemmy, alors que Nora Gubisch incarne une Hedwige énergique et volontaire, au timbre corsé. Les rôles principaux sont à l’avenant, avec toutefois quelques réserves. Nicolas Alaimo est un Tell bien chantant, à la voix de velours et au superbe legato ; il dessine un personnage profondément humain et émouvant, en fait une figure paternelle plus qu’un héros valeureux, et comme la voix manque de mordant et de projection, il est difficile d’imaginer que tout un peuple est derrière lui. Malgré des sonorités nasales, Celso Albelo est un Arnold vaillant, aux aigus éclatants. Si sa voix a une puissance limitée pour l’immensité du Théâtre antique, Annick Massis n’en incarne pas moins avec beaucoup de musicalité une Mathilde noble et lumineuse, qui séduit par son interprétation délicate et raffinée. C’est elle aussi qui fait passer le plus d’émotions dans son chant. Mais le personnage principal de Guillaume Tell c’est le chœur, et ceux de l’Opéra de Monte-Carlo et du Théâtre du Capitole de Toulouse sont magistraux, confondants de précision et d’homogénéité. A la tête de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Gianluca Capuano livre une lecture tendue et affûtée de la partition, une lecture dynamique et énergique, pleine de tensions, si bien qu’on ne s’ennuie pas une seconde pendant les près de quatre heures de spectacle. Guillaume Tell a réussi son entrée au Théâtre antique. Rendez-vous début août pour Don Giovanni.



Claudio Poloni

 

 

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