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Emotion Bordeaux
Auditorium
06/06/2019 - et 7 juin 2019
Igor Stravinsky : Symphonie de psaumes
Edward Elgar : Concerto pour violoncelle, opus 85 – Variations «Enigma», opus 36
Camille Thomas (violoncelle)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel (direction)
C. Thomas (© Jean-Baptiste Millot)
C’est une soirée placée sous le signe de l’émotion que propose l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine avec ce programme consacré à Stravinsky et Elgar. La Symphonie de psaumes de Stravinsky résulte d’une commande du chef d’orchestre Serge Koussevitzky pour le cinquantième anniversaire de son Orchestre de Boston en 1930, mais fut en fait créée à Bruxelles par Ernest Ansermet. Se défiant des formes traditionnelles véhiculées par le XIXe siècle, Stravinsky veut surprendre et se dérober à l’expression romantique. Il désirait un grand développement contrapunctique où le chœur et l’orchestre paraîtraient à égalité. Fou d’admiration pour les cantates de Bach et connaissant profondément la tradition russe, il était sensible au rapport entre le texte chanté, sa propre langue et la musique. Le choix des Psaumes XXXVIII, XXXIX et CL ne doit rien au hasard, charpentant les trois parties de dimensions grandissantes entre la supplication, la confiance et la louange. Préparé avec précision avec précision par Salvatore Caputo (chef du Chœur de l’Opéra national de Bordeaux) et emmené avec ferveur par Paul Daniel (directeur musical de la phalange bordelaise), le chœur surmonte les difficultés d’écriture et donne une interprétation puissante de cette œuvre que l’on entend trop rarement.
Tout autre registre ensuite avec une seconde partie entièrement dédiée à Sir Edward Elgar. Et pour commencer, son superbe Concerto pour violoncelle (1919), dernière grande œuvre du compositeur anglais, totalement empreinte d’une anxiété que chacun des quatre mouvements décline à partir d’un thème principal aussi obsédant qu’inoubliable. C’est la jeune et talentueuse Camille Thomas – première femme violoncelliste à signer pour le prestigieux éditeur Deutsche Grammophon – qui en est la soliste. Abordant l’ouvrage avec lyrisme, sans volonté manifeste d’imposer une vision absconse, la jeune femme nous transporte dans un univers d’une intense profondeur, dans un monde de délicatesse. Avec une autorité étonnante pour son âge, elle imprime l’œuvre un incroyable état vibratoire qui rapidement se propage à la phalange girondine, avec un chef toujours attentif à donner le meilleur accompagnement possible à son soliste. Avec une sonorité instrumentale admirable, une conduite de l’archet sans le moindre à-coup, elle envoûte les auditeurs par sa facilité technique et l’élégance de son langage corporel.
Enfin, l’orchestre, au grand complet cette fois, s’attaque aux fameuses Variations «Enigma» (1898-1899), véritable cheval de bataille des orchestres symphoniques. En effet, grâce à ses différents climats et au contrôle de l’orchestration, elles permettent aux différents pupitres de briller alors que l’orchestre peut mettre en avant son homogénéité et sa dynamique. C’est bien ce qui arrive ici: on aurait pu craindre qu’avec un chef britannique à la baguette, ce dernier ne soit tenté de verser dans la mièvrerie minaudante avec cette musique majestueuse et imposante, mais rien de cela n’arrive, et c’est au contraire une direction à la fois racée et musicale que Paul Daniel distille à partir de son alerte baguette. Bravo à lui, bravo à l’excellent Orchestre national Bordeaux Aquitaine!
Emmanuel Andrieu
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