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L’irradiante Leonora d’Anja Harteros

Paris
Opéra Bastille
06/06/2019 -  et 10*, 13, 18, 22, 25, 28 juin, 2, 5, 9 juillet 2019
Giuseppe Verdi : La forza del destino
Carlo Cigni (Le Marquis di Calatrava), Anja Harteros*/Elena Stikhina (Donna Leonora), Zeljko Lucic (Don Carlo di Vargas), Brian Jagde (Don Alvaro), Varduhi Abrahamyan (Preziosilla), Rafal Siwek (Il Padre Guardiano), Gabriele Viviani (Fra Melitone), Majdouline Zerari (Curra), Rodolphe Briand (Maestro Trabuco), Lucio Prete (Un alcade), Laurent Laberdesque (Un chirurgien)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Nicola Luisotti (direction musicale)
Jean-Claude Auvray (mise en scène), Alain Chambon (décors), Maria Chiara Donato (costumes), Laurent Castaing (lumières), Terry John Bates (chorégraphie)


A. Harteros, R. Siwek (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Du naturalisme souvent frelaté, du premier degré sans idée : cette Force du destin nous vient de l’ère Joel (voir ici). Non que Jean-Claude Auvray ait tort de situer l’opéra dans le cadre du Risorgimento – avec le fameux « Viva VERDI ». Mais il n’en ressort aucune vision historique ou politique. Non qu’on lui reproche de placer l’opéra sous le signe de la croix, à travers l’omniprésence d’un Christ crucifié. Mais il en reste à l’accessoire, loin de nous proposer une lecture vraiment religieuse. Sur tout cela on passerait, si la direction d’acteurs rachetait la pauvreté du propos. Son indigence l’aggrave et l’on s’ennuie beaucoup à regarder une production qui, quand viennent les passages comiques, accumule des poncifs très « province ». Le néophyte, sans doute, y aura gagné : il aura pu suivre l’intrigue pas à pas. Et nous aurons aimé les jolies lumières de Laurent Castaing éclairant le plateau souvent nu, où quelques accessoires indiqueront le décor des différents tableaux, qu’on croirait parfois inspirés de Zurbarán.


A la différence de Philippe Jordan en 2011, Nicola Luisotti a le sens du théâtre. A sa différence aussi, il ne donne pas dans la dentelle, sacrifiant tout à cette théâtralité, jusqu’à la rendre un peu factice, voire désordonnée : la première partie, en particulier, souffre de décalages, même au sein de l’orchestre – aurait-on, par hasard, destiné les meilleurs à Don Giovanni ? La direction n’en offre pas moins quelques beaux moments, comme la fin, où Anja Harteros irradie. Elle domine une distribution qui présente au demeurant beaucoup de mérites. Mais par la beauté ronde du timbre, l’égalité des registres, la noblesse de la ligne et de l’incarnation, sa Leonora frémissante se situe au sommet et rejoint les plus grandes d’hier, avec un éventail de couleurs généreusement déployé, notamment pour un « Pace, pace » à la fois élégiaque et tourmenté. Sans doute lui aurait-il fallu un Alvaro plus subtil que Brian Jagde, voix puissante au médium corsé, solide comme le roc, qui reste trop limité dans la nuance et la caractérisation. Zeljko Lucic, à l’opposé, parvient à ne pas faire de Carlo un justicier éructant sa haine : il phrase ses fureurs – on lui reprochera seulement, après un « Urna fatale » de belle école, d’escamoter, comme d’ailleurs plus d’un, les triolets de la cabalette. Les autres clés de fa n’ont rien à lui envier, ni le Guardanio magnifique de Rafal Siwek, vraie basse profonde, Padre à la fois impérieux et protecteur, ni le Melitone truculent mais stylé de Gabriele Viviani – à rebours d’une fâcheuse tradition, les emplois buffa n’autorisent pas tous les débordements. Seule Varduhi Abrahamyan semble dépassée : grand mezzo étendu, héritier aussi du contralto rossinien, exigeant un aigu brillant, un grave nourri et une grande agilité, notamment pour le Rataplan, la pétulante Preziosilla, rôle flatteur et redoutable, la met à la peine.



Didier van Moere

 

 

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