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Le Ravel subtil de Louis Langrée

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/20/2019 -  
Maurice Ravel: Shéhérazade (Ouverture de féerie) – Shéhérazade (Poèmes pour voix et orchestra) – Ma mère l’Oye (Suite) – La Valse
Anne Sofie von Otter (mezzo)
Orchestre des Champs-Elysées, Louis Langrée (direction)


L. Langrée (© Jennifer Taylor)


Un programme Ravel par Louis Langrée, ça ne se rate pas, même si ça ne remplit pas les Champs-Elysées. On avait pourtant cru faire plus chic en remplaçant, pour le concert parisien de la tournée, Fatma Saïd par Anne Sofie von Otter... qui révèle encore une belle santé vocale. Certes il faut avaler que le si bémol aigu de «haine» soit chanté à l’octave inférieure, dépouillant le mot de son poids expressif, mais on salue la clarté de l’articulation et le galbe du phrasé. Manque seulement la sensualité capiteuse à ce texte chanté froidement: est-ce vraiment Shéhérazade?


On la trouvera davantage dans la direction d’orchestre, qui évite les complaisances du chromo et préserve la clarté de l’instrumentation, peu flattée néanmoins par les sonorités assez sèches des différents pupitres. Cet équilibre entre le pittoresque de l’exotisme et la transparence des textures faisait le prix de l’autre Shéhérazade, l’ouverture de féerie, dirigée avec une souplesse féline: une lecture assez chorégraphique, comme si l’œuvre de jeunesse anticipait les futurs ballets ravéliens – et, évidemment, les trois poèmes de Klingsor.


L’interprétation séduit aussi par l’art des enchaînements et la maîtrise de la continuité du flux, qui feront le prix, à la fin, de La Valse. Le poème chorégraphique n’a rien ici de démonstratif – d’autant plus que l’orchestre y atteint vraiment ses limites. Ne demandons pas à Langrée un trois-temps pesamment chaloupé ou une rutilance artificielle: il préfère veiller à doser inexorablement la progression vers l’apocalypse, à tenir la partition sans la raidir, la rendant plus tragique encore.


Dans la Suite de Ma mère l’Oye, donnée avant La Valse, il réussit à arrondir un peu les cordes et à donner des couleurs à l’orchestre, ciselant subtilement ces pièces enfantines qu’il dirige aussi en conteur. L’interprétation oscille avec bonheur entre l’onirisme vaporeux de la «Pavane de la Belle au bois dormant» ou du «Jardin féerique», où il fait passer l’ombre de Debussy, les facéties orientalisantes de «Laideronnette, impératrice des pagodes», aux saveurs fruitées, et les langueurs poseuses des «Entretiens de la Belle et la Bête». Quel dommage qu’on n’ait pas entendu le ballet intégral! Archaïsant mais sans perruque, un déluré Menuet du Tombeau de Couperin fait office de bis.


Que Louis Langrée ne soit pas hôte régulier des grands orchestres parisiens laisse songeur. Pour ne rien dire de l’Opéra de Paris qui, depuis presque vingt-cinq ans, l’ignore superbement.



Didier van Moere

 

 

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