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Art abstrait

Bruxelles
La Monnaie
05/02/2019 -  et 4, 7, 8, 10, 12*, 14, 16, 17, 19 mai 2019
Richard Wagner: Tristan und Isolde
Bryan Register*/Christopher Ventris (Tristan), Ann Petersen*/Kelly God/Ricarda Merbeth (Isolde), Franz-Josef Selig (König Marke), Andrew Foster-Williams (Kurwenal), Nora Gubisch*/Eve-Maud Hubeaux (Brangäne), Wiard Witholt (Melot, Ein Steuermann), Ed Lyon (Ein Hirt, Ein junger Seemann)
Chœur d’hommes de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Ralf Pleger (mise en scène), Alexander Polzin (décors), Wojciech Dziedzic (costumes), John Torres (lumières), Fernando Melo (chorégraphie)


A. Petersen, B. Register (© Van Rompay)


Tristan et Isolde (1865) comporte peu d’action, mais dans le concept artistique de Ralf Pleger et Alexander Polzin, cet opéra en contient encore moins. La mise en scène repose surtout sur l’esthétique et la suggestion : dans un lieu et en un temps indéterminés, Tristan et Isolde ne boivent aucun philtre et ne s’étreignent guère, Melot ne transperce pas le héros, Kurwenal – qui ne semble pas périr non plus – ne tue pas ce dernier et tout se termine par une mort abstraite du couple. La scénographie ? D’abord l’œuvre d’un plasticien qui imagine trois actes différents et tous fort beaux, avec une prédilection, à titre personnel, pour le deuxième, une structure arboricole ressemblant à un corail et au sein de laquelle se contorsionnent des danseurs dissimulés par mimétisme. Malheureusement, ce qui gâche un peu la magie, ce sont des techniciens trop visibles, dont l’un laisse même apercevoir partiellement la raie des fesses, qui font pivoter cette lourde sculpture, dissimulés sous celle-ci.


Le premier acte montre des stalactites ayant l’apparence de rideaux, tandis que le décor du troisième se résume à un mur percé d’une constellation de trous à travers lesquels passent des tubes à la signification peu évidentes – dans le dernier tiers, Tristan, tête dorée, prend énigmatiquement l’apparence d’un bouddha. Et John Torres imagine à chaque fois de superbes lumières. Malgré d’admirables constructions chorégraphiques, il faut s’accommoder, trois heure et demie durant, d’une direction d’acteur minimaliste : les chanteurs habitent peu intensément les personnages qui demeurent le plus souvent figés ou hiératiques, comme dans une mise en scène de Robert Wilson. Dépourvus d’émotion, les trois actes suscitent terriblement l’ennui, et le duo d’amour, au centre de l’opéra, ne constitue pas le point culminant attendu.


Deux ténors et pas moins de trois sopranos se partagent les rôles-titres pour les dix représentations, alors que la mise en scène ne leur impose pas vraiment d’effort surhumain, sauf, à la limite, dans la sculpture du deuxième acte, que les interprètes doivent, par moments, escalader. La voix à la tessiture étroite de Bryan Register paraît trop souvent éteinte, mais le chanteur parvient à conserver son souffle dans le troisième acte – son long air, monotone, voire pénible, ne semble pas vouloir se terminer – le timbre manque de métal et le chant de fermeté. Il convient toutefois de saluer l’engagement de l’artiste et de reconnaître la justesse expressive dont il fait subtilement preuve. La prestation de sa partenaire, Ann Petersen, se révèle mieux maîtrisée, même dans le Liebestod, chanté avec encore suffisamment de ressources. La soprano possède assurément une voix calibrée pour affronter sur la longueur cette redoutable figure féminine, et elle délivre un chant à la puissance bien calculée et aux registres soudés, avec un medium modérément projeté, mais nourri, et des aigus nets. Mais elle ne capte toujours notre attention, sauf dans le premier acte, où elle domine tout le monde, ce qui s’explique aussi par le statisme de la mise en scène.


Franz-Josef Selig évolue sur les sommets du chant wagnérien et invoque les mânes des légendaires chanteurs d’antan. Cette basse de forte stature et de grande classe phrase splendidement son Roi Marke à qui elle confère profondeur et noblesse. Andrew Foster-Williams fait valoir une belle voix, souple et homogène, bien qu’elle soit un peu légère pour Kurwenal ; le baryton s’efforce toutefois d’assurer un chant étoffé, avec suffisamment de panache. Mezzo grave et charnu, Nora Gubisch campe une Brangäne vocalement admirable mais l’incarnation ne dévoile que partiellement la nature de son personnage. Personne ne se déplace pour eux, mais les autres chanteurs soignent les petits rôles: Melot racé de Wiard Witholt, Pâtre raffiné d’Ed Lyon. Et les choristes sont plus que convenables.


Un an après Lohengrin, Alain Altinoglu confirme ses grandes compétences dans la musique de Wagner. Le chef délivre une superbe direction, claire, équilibrée et limpide, tandis que l’orchestre déploie avec plénitude de splendides sonorités, le raffinement prenant parfois le dessus sur la puissance dramatique, à l’image de la mise en scène. Les différents pupitres se montrent le plus souvent précis, malgré quelques – brefs – moments un peu moins au point. Les bois s’illustrent en particulier par leur finesse, mais à quelques secondes près, une sonnerie de téléphone portable a failli gâcher le célèbre solo du cor anglais au troisième acte.



Sébastien Foucart

 

 

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