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Sorcellerie évocatoire

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/25/2019 -  
Franz Schubert : Sonate pour piano n° 1, D. 157 – Moments musicaux, D. 780
Serge Rachmaninov : Morceaux de fantaisie, opus 3: 2. Prélude en ut dièse mineur & 5. Sérénade – Préludes, opus 23: 10. en sol bémol majeur – Préludes, opus 32: 10. en si mineur – Douze Mélodies, opus 21: 7. «C’est beau ici» (arrangement Volodos) – Etudes-Tableaux, opus 33: 3. en ut mineur
Alexandre Scriabine : Neuf Mazurkas, opus 25: 3. en mi mineur – Deux Morceaux, opus 57: 2. «Caresse dansée» – Trois Morceaux, opus 52: 2. «Enigme» – Deux Danses, opus 73 – Vers la flamme, opus 72

Arcadi Volodos (piano)


A. Volodos


Schubert, puis un florilège de Rachmaninov et de Scriabine. Des mondes opposés? Pas si sûr, avec Arcadi Volodos. La Première Sonate de Schubert – sans final – est plus ici qu’une œuvre de jeunesse, même si l’Allegro ma non troppo ne perd pas sa fraîcheur. Le pianiste la construit, la tient, y voit sans doute déjà le Schubert des Sonates futures, notamment dans cet Andante d’une poésie nostalgique où il déploie des sonorités magiques. C’est bien cela qui va nous fasciner pendant deux heures: l’art de sculpter, de creuser le son, de varier à l’infini à la fois la nuance et la couleur. Qui aujourd’hui est capable de pianissimi aussi timbrés? Les Moments musicaux, ainsi, sont totalement revisités, comme autant de tableaux sonores où se crée, chaque fois, un univers singulier, avec de magnifiques effets de spatialisation et de gradation.


Conçu ainsi comme un musicien de la couleur, ce Schubert hors tradition tend la main aux deux Russes, dont on entend une suite de pièces parvenant à former un ensemble cohérent. Les Rachmaninov commencent par le célébrissime Prélude en ut dièse mineur qu’on reconnaît sans le reconnaître, tant il est métamorphosé, avec d’inouïes sonorités d’orgue pour les accords parallèles. La lenteur du Prélude opus 23 n° 10, celle du Prélude opus 32 n° 10 entretient une sorte de léthargie lancinante qui nous entraîne vers un ailleurs dont seul Volodos possède le secret. Chez Scriabine, de la chopinienne Mazurka opus 25 n°3, aux ombres crépusculaires, à l’énigmatique Vers la flamme, où il gradue incroyablement le passage des ténèbres à l’illumination, en passant par une Caresse dansée où il ne touche pas terre, la forme s’abolit dans la couleur, le timbre devient mélodie, ce qui montre son degré d’identification au compositeur du Poème de l’extase. Et tout cela sans le moindre narcissisme, tant l’art cache l’art, tant surtout il garde une absolue maîtrise du clavier, auquel il ne lâche jamais la bride. Bis magnifiques et copieux: Menuet D. 600 de Schubert sur les pointes, suggestif «Jeunes filles dans le jardin» des Scènes d’enfants de Mompou, mélancolique Intermezzo opus 118 n° 6 de Brahms, insaisissable Prélude opus 2 n° 2 de Scriabine. Relisons Baudelaire: «Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire.» Ce que fait Volodos avec le piano.



Didier van Moere

 

 

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