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Notre-Dame qui êtes aux cieux…

Paris
Philharmonie
04/18/2019 -  et 16 (Barcelona), 17 (Versailles) avril 2019
Johann Sebastian Bach: Matthäus-Passion, BWV 244
Florian Sievers (L’Evangéliste), Matthias Winckhler (Jésus), Marc Mauillon (Judas Iscariote), Marco Scavazza (Pierre), Javier Jiménez-Cuevas (Grand Prêtre), Markus Volpert (Ponce Pilate), Carmin Natan (Servante 1), Eulàlia Fantova (Servante 2), Simón Millán (Prêtre 1), Pieter Stas (Prêtre 2), Elíonor Martinez (La femme de Pilate), David Sagastume (Témoin 1), David Hernández (Témoin 2), Marta Mathéu (soprano, soliste chœur 1), Nils Wanderer (contre-ténor, soliste chœur 1), Juan Sancho (ténor, soliste chœur 1), Marc Mauillon (baryton, soliste chœur 1), Rachel Redmond (soprano, soliste chœur 2), Kristin Mulders (mezzo-soprano, soliste chœur 2), Emiliano González Toro (ténor, soliste chœur 2), Markus Volpert (baryton, soliste chœur 2)
Maîtrise du Conservatoire «Musique et danse» de Dole, Patrice Roberjot (chef de chœur), La Capella Reial de Catalunya, Lluís Vilamajó (chef de chœur), Le Concert des Nations, Jordi Savall (direction)


J. Savall (© Hervé Pouyfourcat)


En cette semaine pascale, en cette semaine pascale si particulière pourrait-on ajouter, Johann Sebastian Bach est partout. Alors que le vendredi 19 avril voit se confronter la Passion selon saint Jean à la Philharmonie (sous la direction de William Christie) et la Passion selon saint Matthieu au Théâtre des Champs-Elysées (sous la baguette de Václav Luks), Jordi Savall dirigeait ce soir pour la troisième fois, après Barcelone et Versailles, cette même Passion selon saint Matthieu dont le caractère intimidant n’a pas pour autant retenu le public de venir en masse à la Philharmonie de Paris.


Commençons d’ailleurs tout de suite cette critique de concert par une vraie et franche critique à l’encontre des organisateurs: alors que le concert au cours duquel, il y a quelques jours seulement, John Eliot Gardiner avait dirigé Semele de Händel, avait, eu égard à la longueur de l’œuvre, débuté à 19 heures 30, celui de ce soir n’a commencé qu’à 20 heures 30 pour une pièce d’une durée pourtant supérieure. Le résultat ne s’est pas fait attendre: outre quelques spectateurs qui ont quitté les lieux lors de l’entracte entre la première et la seconde partie, un nombre important d’entre eux se sont levés et ont quitté la salle alors que les artistes entamaient le chœur conclusif «Wir setzen uns mit Tränen nieder», un plus grand nombre encore s’en allant finalement sans même prendre le temps d’applaudir Jordi Savall et les siens, par fatigue ou peur de manquer le dernier métro. Le fait est qu’en sortant à minuit largement sonné, un certain nombre de spectateurs grommelaient, anticipant peut-être un réveil compliqué le lendemain pour se rendre à leur travail. Toujours est-il qu’un début de concert à 19 heures 30 aurait sans nul doute été le bienvenu, la fin anticipée du spectacle inscrite sur le programme (23 heures 30!) s’étant bien entendu avérée totalement illusoire. Car, au-delà du simple aspect pratique des choses, voir ainsi une salle se vider aussi rapidement alors que l’ensemble des chanteurs, appelés les uns après les autres par le maître de cérémonie de cette soirée, n’étaient pas encore revenus sur scène pour saluer est toujours déplaisant, attristant même pour les artistes (les applaudissements étant le seul moyen pour le public de manifester son enthousiasme), surtout quand on aurait sans doute pu le prévenir.


Mais revenons-en à l’essentiel, au concert lui-même. L’année, dernière, Jordi Savall avait dirigé la Passion selon saint Marc (sorte de palimpseste musical de Bach, la partition originelle ayant été perdue) et il dirigera, en ce même lieu, la Passion selon saint Jean le 10 avril 2020. Ce soir, c’était donc au tour de l’imposante Passion selon saint Matthieu dont la création, longtemps fixée à l’année 1729, remonte plus vraisemblablement au 11 avril 1727. Conformément aux indications que l’on peut trouver dans la Musikalische Bibliothek de Lorenz Mizler, les chanteurs de La Capella Reial de Catalunya et les musiciens du Concert des Nations formèrent deux ensembles distincts afin de parfaitement traduire la dualité voulue par le compositeur. Ils furent admirables de bout en bout. D’une formidable amplitude dans le chœurs initial (cet «équivalent sonore, disons, d’un grand retable de Véronèse ou du Tintoret» comme le dit si joliment John Eliot Gardiner dans son ouvrage Musique au château du ciel, Fayard, page 498) et conclusifs (respectivement «Kommt, ihr Töchter, helft mir klagen» et «Wir setzen uns mir Tränen nieder»), l’ensemble des dix-huit chanteurs intervinrent au diapason de chaque épisode de la Passion: implorant dans le passage «Mit hat die Welt» lorsque Jésus demande son aide à Dieu afin de lutter contre ceux qui l’ont trompé, véhément lorsqu’il s’agit de réclamer la mort du Christ («Er ist des Todes schuldig»), moqueur lorsqu’il invite le Christ à se sauver lui-même alors qu’il est déjà sur la croix («Andern hat er geholfen»). Il serait tout autant inutile que fastidieux de citer l’ensemble des noms des solistes issus des deux chœurs pour chanter ou déclamer tel ou tel passage: qu’il nous suffise de dire que chacun était parfaitement à sa place. Il en alla de même pour les instrumentistes qui furent nombreux à être sollicités comme solistes (les deux violons solo Manfredo Kraemer et Guadalupe del Moral), le flûtiste Marc Hantaï dans le superbe passage «Blute nur, du liebes Herz» (jouant alors avec sa voisine la flûtiste Yi-Fen Chen) ou dans le solo de la soprano «Aus Liebe will mein Heiland sterben» (jouant alors seul), les hautboïstes Paolo Grazzi et Emiliano Rodolfi, sans oublier Jordi Savall lui-même qui tint la partie de viole de gambe pour l’air de ténor «Geduld, Geduld!» et pour l’air de basse «Komm, süsses Kreuz». Le chef catalan aurait parfois pu faire preuve de plus d’allant dans la conduite (le chœur «Herr, bin ich’s» aurait, entre autres exemples, sans doute pu être un peu plus dynamique, la seconde partie s’étant avérée globalement plus convaincante que la première), mai il n’en demeure pas moins qu’il dirigea l’ensemble avec des tempi toujours d’une grande justesse, rendant à l’œuvre autant sa théâtralité que son dramatisme avec un sens de l’équilibre digne de tous les éloges.


L’équipe de chanteurs, fort étoffée, frappe par sa cohérence et, globalement, son très bon niveau. Non seulement en raison de la fréquence de leurs interventions mais du fait de leurs qualités propres, saluons en premier lieu Florian Sievers dans le rôle de l’Evangéliste et Matthias Winckhler dans celui de Jésus. L’intensité de leur chant ou de leur déclamation servit, plus que jamais, de fil conducteur à ce récit qu’ils conduisirent avec une véritable maestria. Si la première intervention de Nils Wanderer (contre-ténor) dans son air «Buss und Reu» («Torturé! Accablé!») ne fut pas des plus réussies en raison d’une justesse approximative et d’une voix pas toujours bien placée, il se rattrapa par la suite, offrant notamment un très beau et très attendu «Erbame dich», accompagné par le violon irréprochable de Manfredo Kraemer. La voix de Marc Mauillon ne s’avère pas non plus très convaincante dans les premiers récitatifs confiés au personnage de Judas, le timbre assez clair arrachant parfois ses aigus, sans prendre tout à fait la peine de se fondre dans la trame du drame peint sous nos yeux. De façon inhabituelle et quelque peu étrange, c’est lui qui chante plusieurs récitatifs et airs dévolus en principe à une voix de basse, à l’instar du très beau «Komm, süsses Kreuz», où Simon aide le Christ à porter sa croix; sa réussite est ici patente, tout spécialement dans l’air «Mache dich, mein Herze, rein», accompagné par des cordes d’une souplesse et d’une douceur incroyables. Parmi les autres solistes, signalons les très belles interventions de Rachel Redmond et Kristin Mulders (magnifique!), sans oublier Markus Volpert qui incarna à merveille le personnage de Ponce Pilate.


Tout en l’assumant mais sans non plus en exagérer la théâtralité, contrairement à la Passion selon saint Jean qui va sans doute plus directement à l’essentiel, dans un style plus ramassé et peut-être encore plus dramatique, cette Passion selon saint Matthieu fut passionnante à bien des égards. Autant dire qu’on attend donc la Saint Jean avec impatience l’année prochaine!


Le site de Jordi Savall, du Concert des Nations et de la Capella Reial de Catalunya
Le site de Florian Sievers
Le site de Matthias Winckhler
Le site de Marc Mauillon
Le site de Markus Volpert
Le site d’Eulàlia Fantova
Le site de Marta Mathéu
Le site de Juan Sancho
Le site de Rachel Redmond
Le site de Kristin Mulders



Sébastien Gauthier

 

 

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