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... et en dehors de sa zone de confort

Geneva
Victoria Hall
03/28/2019 -  
Felix Mendelssohn: Concerto pour violon n° 2, opus 64
Gustav Mahler: Symphonie n° 6

Ayana Tsuji (violon)
Orchestre de la Suisse romande, Jonathan Nott (direction)


(© Niels Ackermann/Lundi13/OSR)


Cette soirée permet d’entendre le second programme que l’OSR et son chef vont donner lors de leur prochaine tournée en Asie. Cette fois-ci, ils ne se cantonnent pas à leur répertoire de prédilection, ils s’aventurent sur des domaines musicaux où on ne les attend pas nécessairement.


Passons rapidement sur ce Second Concerto pour violon de Mendelssohn dont on peut penser qu’il ne sert qu’à programmer une artiste locale. Peut-être n’a-t-il pas pu être autant répété que les autres nombreuses pièces que l’orchestre prépare pour cette tournée mais le résultat est en dessous de ce que l’on peut attendre. La jeune Ayana Tsuji a tendance à jouer mesure par mesure sans chercher à respecter la longue ligne mélodique de Mendelssohn. Les rubatos de la cadence du premier mouvement sont à la fois trop visibles et trop nombreux et le violon ne chante pas assez dans le sublime Andante. Les musiciens de l’orchestre ne sont pas très inspirés et la pâte orchestrale manque de légèreté. Nombreux sont les grands chefs (Abbado, Rattle, Petrenko...) qui ne programment que la Sixième Symphonie de Mahler sans prévoir de première partie. Cette exécution rapidement oubliée n’apporte pas grand-chose.


C’est à travers la Septième Symphonie de Mahler que Jonathan Nott avait rencontré l’OSR en 2014. Ce choix intéressant avait pu permettre de constater que le chef anglais était capable de faire sonner la masse de ses musiciens avec beaucoup de soin dans une salle dont l’acoustique n’est pas idéale. Ce sentiment avait été confirmé dans la Première Symphonie tandis que la récente Troisième était une déception, les musiciens étant fatigués et nous rappelant qu’ils avaient déjà eu un certain mal de tenir la longueur de la Septième.


Cinq ans après cette première rencontre et deux ans et demi après avoir pris ses fonctions de directeur musical, voici une superbe exécution de la Sixième Symphonie qui montre le travail accompli par les musiciens et qui est très encourageant pour le futur. Dans cette œuvre aussi exigeante, il faut constater que le niveau instrumental est très satisfaisant et plus élevé que d’habitude. Les cordes ont plus d’ampleur, les cuivres sont solides et les bois, point fort de cet orchestre sont fidèles à eux-mêmes. Il faut souligner la contribution du premier violon Bogdan Zvoristeanu, à la fois dans ses solos et dans l’impulsion qu’il donne à son pupitre et également la musicalité de Clarisse Moreau au hautbois. Face à cette montagne que représente cette Sixième et surtout ce finale intense qui dure quand même une trentaine de minutes, l’orchestre garde le même niveau et ne faiblit que très peu. Voici une vrai différence par rapport aux précédentes Septième et Troisième. Nous ne sommes bien évidemment au niveau de virtuosité et de sécurité que l’on peut avoir à Berlin, Vienne ou Amsterdam mais sentir que les musiciens se bousculent et cherchent à se surpasser donne un sentiment d’engagement et de prise de risque qui prennent tout leur sens dans une telle œuvre. Oui, les musiciens sortent de leur zone de confort.


La conception voulue par le chef anglais est originale. Les deux premiers mouvements pris à des tempi un peu vifs sont volontairement dramatiques. L’ accelerando des premières pages est volontaire et tendu. Les équilibres des tutti, à nouveau très travaillés, montrent la richesse et la modernité de la palette harmonique du compositeur. Le Scherzo est ici en deuxième position ainsi que le veut Jonathan Nott, qui y voit ici une référence à la Neuvième Symphonie de Beethoven. L’impact est surtout que la tension ne baisse pas. La violence décrite dans cette musique de Mahler ne se relâche que dans les deux derniers mouvements. L’Andante moderato, baigné de lumière, est un soulagement. C’est enfin dans le monumental finale que la conception de Jonathan Nott est très personnelle. Ce dernier mouvement est, comment pourrait-on dire, positif voire triomphant, mettant ainsi cette Sixième avec une structure assez proche de celles des Cinquième et Septième. Il n’y a ici que deux coups de marteau et non le fatidique troisième. Cette approche peut surprendre quand on a à l’esprit les lectures sans compromis que nous ont données un Abbado et surtout un Boulez mais Nott et ses musiciens donnent une interprétation très convaincante. Une fois la surprise passée de ne pas complétement retrouver ses habitudes, il faut simplement se laisser emporter par cette approche différente défendue avec respect et intégrité.


Voici une belle soirée très encourageante et surtout très prenante qui montre le travail réalisé pour faire évoluer cet orchestre. A la fin du concert du centenaire donné la saison passée, musiciens et publics avaient été immortalisés par le talentueux photographe Niels Ackermann. On y voit des musiciens souriants et confiants en train de regarder non pas le passé mais l’avenir. Cette Sixième Symphonie de Mahler a de quoi leur donner raison.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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