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Tout Shani Paris Maison de la radio 03/21/2019 - Serge Rachmaninov : Trio élégiaque n° 1 [1] – Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43 [2]
Richard Strauss : Don Quixote, opus 35 [3] Jean-Philippe Kuzma [1] (violon), Christophe Gaugué [3] (alto), Catherine de Vençay [1], Edgar Moreau [3] (violoncelle), Makoto Ozone [2] (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Lahav Shani (piano [1], direction [2, 3])
L. Shani (© Marco Borggreve)
Le tout juste trentenaire Lahav Shani, qui a succédé en septembre dernier à Yannick Nézet-Séguin à la direction de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et qui prendra bientôt la direction de l’Orchestre philharmonique d’Israël, était sans aucun doute le héros de ce concert à l’étonnant programme.
Un programme qui débutait par le Premier Trio élégiaque de Rachmaninov, une œuvre de jeunesse qui lorgne incontestablement du côté de Tchaïkovski même s’il est dédié à Nicolas Rubinstein. Jean-Philippe Kuzma et Catherine de Vençay, deux musiciens du Philharmonique de Radio France, sont associés pour l’occasion Lahav Shani, non seulement chef mais aussi pianiste et même contrebassiste. Leurs sonorités fusionnent d’emblée dans un bel unisson d’esprit bientôt rejoint par le piano puissant de Lahav Shani. Comme chez son mentor Daniel Barenboim, le piano de Shani sonne large et presque orchestral. Mais peut-être est-on influencé par le contexte...
Pour la Rhapsodie sur un thème de Paganini, place au pianiste japonais Makoto Ozone, aux doigts infaillibles et à la précision redoutable même si la connexion avec l’orchestre et la poésie ne sautent pas immédiatement aux oreilles. Lahav Shani, qui dirige par cœur mais avec baguette, ne fait qu’une bouchée de cette œuvre. Son autorité, sa précision, son enthousiasme, son sens des contrastes, des nuances et de la ligne font merveille dans cette musique plus démonstrative qu’intérieure. Et comme à son habitude, surtout avec de grands chefs, le Philharmonique de Radio France est magnifique. Shani rejoint ensuite Ozone pour un émouvant «Jardin féerique» de Ma mère l’Oye de Ravel à quatre mains. Avant de finir seul par une pièce de sa composition qui commence comme du Chopin avant d’évoquer Chostakovitch et de finir en jazz. Et c’est sans doute dans cette pièce hybride que Makoto Ozone fut le plus convaincant.
Après l’entracte, Edgar Moreau rejoignait le plateau pour Don Quichotte de Strauss. Ici aussi Lahav Shani, partition posée sur le pupitre même s’il la regarde peu, impressionne par son sens de la narration et de la ligne tout en évitant de surcharger une musique qui n’en a vraiment pas besoin. L’Orchestre philharmonique de Radio France répond à chacune de ses sollicitations avec réactivité et enthousiasme. Les visages radieux des musiciens et les coups d’œil entre collègues en disent long sur ce que transmet Shani, tout sourire, à l’orchestre. Moreau est égal à lui-même, chaleureux, précis d’intonation, passionné et subtil. Le magnifique alto de Christophe Gaugué interagit avec le chef et l’orchestre dans une palpable complicité.
A 30 ans, Lahav Shani a décidément tout d’un grand chef: la technique, le sens de la construction et de la ligne, le goût de la précision et l’efficacité. L’alchimie fonctionnera-t-elle aussi bien avec l’Orchestre de Paris? Pour le savoir, rendez-vous à la Philharmonie de Paris en avril et mai 2020 pour deux beaux programmes notamment construits autour des concertos pour violon de Szymanowski et Berg.
Gilles Lesur
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