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Une alchimie qui se confirme

Berlin
Philharmonie
03/07/2019 -  et 8, 9* mars 2019
Arnold Schoenberg : Concerto pour violon, opus 36
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5 en mi mineur, opus 64

Patricia Kopatchinskaja (violon)
Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


P. Kopatchinskaja (© Julia Wesely)


A lire le programme de l’actuelle saison des Berliner Philharmoniker, on a peine à croire que Kirill Petrenko va devenir à temps plein le directeur musical de la prestigieuse phalange à partir de la rentrée 2019. Car ce chef, réputé pour sa discrétion naturelle, ne l’est pas moins sur la scène berlinoise avec une poignée de concerts où il commence à se frotter au répertoire plus traditionnel de l’orchestre. Après Richard Strauss et Beethoven à la fin du mois d’août dernier (programme donné à Berlin puis à Salzbourg, Lucerne et Londres, trois étapes où il dirigea également le splendide triptyque Dukas/Prokofiev/Schmidt que nous avions entendu à Berlin en avril 2018) et avant seulement deux concerts au Festspielhaus de Baden-Baden au mois d’avril prochain (le programme du présent concert et un autre où le Troisième Concerto de Beethoven sous les doigts de Lang Lang remplacera le Concerto de Schoenberg), Kirill Petrenko n’aura dirigé que ces trois concerts Schoenberg/Tchaïkovski à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin. C’est sans doute cette rareté et l’ardent désir du public berlinois de mieux connaître son chef qui justifiaient que la Philharmonie affichât complet trois soirs de suite pour un programme qui nous aura littéralement époustouflé.


Partition ô combien virtuose, le Concerto pour violon (1934-1936) d’Arnold Schoenberg fut créé par Louis Krasner en décembre 1940 sous la direction de Leéopold Stokowski. Entré au répertoire du Philharmonique de Berlin en 1952, il bénéficia ce soir des immenses talents de la violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja (née en 1977). Habituée du répertoire du XXe siècle, elle éblouit tant par sa technique que par son jeu extraverti, n’hésitant pas à sautiller, se tourner vers l’orchestre, se contorsionner mais sans jamais perdre de vue le propos, ni son extrême concentration. Dans le premier mouvement, l’alchimie avec l’orchestre est idéale, l’un se fondant en l’autre dans un jeu bénéficiant par ailleurs d’un agencement rythmique millimétré et de certains passages solistes (la cadence) d’une justesse et d’une finesse à se damner. Le deuxième mouvement, un Andante grazioso, permit au public de se plonger dans un climat plus apaisé, presque léger, Patricia Kopatchinskaja dialoguant toujours avec un évident plaisir avec les solistes de l’orchestre, qui du violon solo (tenu ce soir par Daniel Strabawa), qui de la clarinette ou du basson. Le Finale. Allegro conclusif permit à la violoniste de se lancer à corps perdu dans des passages tous plus techniques les uns que les autres (son violon, fabriqué par le luthier Giovanni Francesco Pressenda, étant capable de suraigus proches du surnaturel!), son tempérament de feu irradiant un archet diabolique auquel rien ni personne ne pouvait résister. Kirill Petrenko fut un accompagnateur des plus exemplaires, faisant passer l’orchestre de l’élégiaque à la tension la plus vive, les derniers accords explosant avec un panache incroyable. Revenant sur scène pieds nus (c’est ainsi qu’elle joue, comme à son habitude), Patricia Kopatchinskaja donna en bis «Jeu», le troisième mouvement de la Suite pour violon, clarinette et piano de Milhaud, sans piano certes mais accompagnée par Andreas Ottensamer, clarinette solo des Berliner pour ce concert. Bis on ne peut plus étincelant et rafraîchissant!


En seconde partie, la Cinquième Symphonie de Tchaïkovski, que Petrenko avait dirigée notamment à Paris en septembre 2016 à la tête de son Orchestre d’Etat de Bavière: un grand souvenir pour ceux qui y étaient! Un grand souvenir à coup sûr aussi pour ceux qui étaient ce soir à la Philharmonie de Berlin! Car ce fut une interprétation absolument fascinante que nous livrèrent l’orchestre et son chef, la salle se levant dès les premiers applaudissements tant l’impression fut forte. Alors qu’on a entendu cette œuvre avec cet orchestre dans des visions assez inexorables, bénéficiant de sons fondus et d’une masse orchestrale somptueuse, Kirill Petrenko privilégie dès le premier mouvement l’individualité des pupitres sur l’ensemble. La gestique rappelle en plus d’une occasion celle de Carlos Kleiber: une main gauche qui guide avec souplesse clarinettes et bassons – souvenez-vous de la vidéo où le génial Carlos dirige la Symphonie «Linz» avec le Philharmonique de Vienne! – complétée par une main droite à la gestique sûre et impérieuse, les accents s’avérant tranchants et les arrêts d’une netteté absolue. Dans le deuxième mouvement, l’orchestre est plus cantabile que jamais grâce à des cordes superlatives (violoncelles en tête) et des solistes infaillibles. Même si l’on aura perçu peut-être une légère fébrilité chez Johannes Dengler (corniste solo de la soirée non Berliner mais bien connu de Petrenko puisqu’issu des rangs du Bayerische Staatsoper), c’est surtout Benjamin Forster aux timbales – ancien timbalier solo de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, il effectue actuellement son année probatoire afin de succéder à Rainer Seegers qui devrait prendre sa retraite après 35 ans de bons et loyaux services au sein du Philharmonique de Berlin – qui nous aura impressionné. Son roulement de timbales au moment du tutti de cuivres (avant les pizzicati des cordes et la reprise du thème principal) était exceptionnel tant du point de vue sonore que visuel! Dans la Valse: allegro moderato, Kirill Petrenko laisse jouer l’orchestre, donnant certes quelques éclairages que l’on pourra contester (les cors en sourdine), l’ensemble étant globalement bercé par une douce nonchalance. Quant au Finale, le chef russe a choisi de lui conférer une fraîcheur à laquelle nous ne sommes pas habitués, privilégiant cette constante clarté sur le côté inexorable de la partition.


Après un tel résultat, une grande partie du public restant debout pour rappeler un chef timide qui revint néanmoins sur scène bénéficier seul d’une nouvelle ovation, le Philharmonique sait qu’il a sans aucun doute misé sur la bonne personnalité: la suite au prochain concert!


Le site de Patricia Kopatchinskaja



Sébastien Gauthier

 

 

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