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Une expérience miraculeuse Vienna Konzerthaus 03/02/2019 - et 1er mars 2019 (Trento) Dimitri Chostakovitch: Quatuor n° 4, op. 83
Antonín Dvorák: Cyprise, B. 152: 1. Moderato, 2. Allegro ma non troppo, 5. Poco adagio & 11. Allegro scherzando
Franz Schubert: Quatuor n° 14 «La Jeune Fille et la Mort», D. 810 Quatuor Hagen: Lukas Hagen, Rainer Schmidt (violons), Veronika Hagen (alto), Clemens Hagen (violoncelle)
Le Quatuor Hagen (© Harald Hoffmann)
Le Quatuor Hagen nous a habitués en concert à une quasi-infaillibilité, cela en dépit d’une prise de risque de chaque instant; le concert de ce soir, aussi merveilleux soit-il, nous rappelle que l’art du quatuor à corde est un équilibre fort fragile, quelques moments de vulnérabilité nous ramenant par instant les pieds sur terre.
Le quatuor de Chostakovitch est finement dosé, avec un Allegretto d’introduction qui avance avec constance, ne s’attardant guère en épisodes contemplatifs; les nuances sont étagées avec une infinité de graduations, en particulier dans les pianissimi, et lorsque l’intensité augmente, l’exécution reste concentrée, usant d’une économie de moyens assumée. On savoure la balance idéale entre pupitres, dans le dernier mouvement spécifiquement entre le premier et second violons, jouant plus clairement la carte du folklore, les timbres venant indissociablement se mêler comme les métaux d’un alliage. On note cependant quelques faiblesses ponctuelles: des petits accrocs de justesse qui se répètent dans certaines des enharmonies des pièces suivantes, extraites du cycle Les Cyprès, œuvre au lyrisme à la fois admirable et simultanément étouffant. L’approche des interprètes, mobile et riche en contrastes, variant les reprises autant que possible, est absolument pertinente sans pourtant parvenir à transcender l’œuvre, et nous à faire oublier la modestie de ces transcriptions.
En seconde partie de programme, le quatuor de Schubert La Jeune Fille et la Mort entame sa course avec une intensité brute, des relances haletantes – parfois au bord de la précipitation – laissant peu de moment de répits. Quelques brusqueries nous rappellent l’impression de vulnérabilité précédemment notée mais se font plus rares au fur à mesure de la musique. Le deuxième mouvement est teinté d’une certaine sérénité, comme si l’inévitabilité de la mort était acceptée. Le Presto final est détimbré, fantomatique, ponctué d’éclairs de couleurs qui viennent illuminer la partition dans de brefs épisodes. Un concert par les Hagen, même avec quelques aspérités de passage, reste une expérience miraculeuse.
Dimitri Finker
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