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Les deux font la paire

Paris
Maison de la radio
03/02/2019 -  
Bohuslav Martinů: Quatuor pour clarinette, cor, violoncelle et caisse claire, H. 139
Antonín Dvorák: Concerto pour violon en la mineur, opus 53, B. 108
Modeste Moussorgski: Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel)

Joshua Bell (violon), Jérôme Voisin (clarinette), Hughes Viallon (cor), Nicolas Saint-Yves (violoncelle), Gabriel Benlolo (caisse claire)
Orchestre philharmonique de Radio France, Krzysztof Urbanski (direction)


K. Urbanski (© Marco Borggreve)


Le poids des années serait-il bénéfique à Joshua Bell (né en 1967)? Le cas du violoniste américain divise depuis plusieurs années, faisant l’objet d’un soutien du public (en témoigne la salle comble samedi soir à la Maison de la radio) tout en étant boudé par de nombreux critiques: depuis le sévère compte rendu de son interprétation de Sibelius ici en 2011, on ne trouve ainsi aucune recension de ses concerts parisiens sur notre site, preuve s’il en est de la méfiance vis-à-vis d’un violoniste souvent décrié pour son sentimentalisme et ses choix artistiques peu aventureux, bien éloigné en cela de ses deux grands rivaux Sergey Khachatryan et Gil Shaham. On oublie pourtant qu’à côté de son activité de soliste, Bell poursuit une carrière régulière de chambriste, notamment au festival de Verbier chaque année ou par exemple l’an passé à la Philharmonie dans un programme dédié à Schubert et Strauss, avec le pianiste Sam Haywood.


Quoi qu’il en soit, on se réjouit que son interprétation du Concerto pour violon de Dvorák dynamite ces mauvais a priori, tant l’Américain semble galvanisé par la direction tout feu tout flamme de Krzysztof Urbanski, découvert ici même en 2015. A seulement 36 ans, toujours aussi démonstratif dans sa gestuelle, le chef polonais reste attaché à marquer les attaques pour répondre fermement au soliste dans le dialogue orchestral, tout en se montrant plus mesuré dans le soutien, laissant la part belle au soliste. Son énergie semble donner à Bell un élan dramatique constant, parfaitement rendu au niveau technique, tandis que l’archet n’en oublie jamais l’optique narrative, essentielle dans ce concerto d’essence rhapsodique (dans les deux premiers mouvements surtout). Proche de celui de Brahms, composé un an plus tôt en 1878, ce concerto fait entendre un Dvorák plus volontiers porté vers l’ivresse mélodique dans le dernier mouvement entêtant, là aussi bien rendu par les interprètes. Vivement applaudi par le public, Joshua Bell repart sans offrir de bis, mais n’en oublie pas de rester jusqu’à l’issue du concert afin d’offrir une séance de dédicace.


En guise d’introduction au concert, un inattendu et méconnu Quatuor pour clarinette, cor, violoncelle et caisse claire de Martinů était offert à la curiosité générale: le compositeur tchèque a tant et tant composé qu’il est en effet difficile de s’y retrouver dans son immense production. Ecrite en 1924 à Paris, cette œuvre de jeunesse surprend d’emblée par son assemblage d’instruments aux sonorités disparates, tout en montrant l’influence du Stravinski de L’Histoire du soldat dans l’ambiance foraine légèrement dissonante développée dans les mouvements extérieurs. Si le corniste Hughes Viallon déçoit par l’imprécision de certaines attaques, les autres interprètes se montrent à la hauteur, tout particulièrement le violoncelle radieux de Nicolas Saint-Yves dans le bel Andante, grave et intimiste.


Après l’entracte, Krzysztof Urbanski fait résonner toutes les forces de l’Orchestre philharmonique de Radio France avec un éclat péremptoire dans les tutti, volontairement sauvage dans les scansions entonnées fortissimo. A l’inverse, les passages plus doux montrent une attention aux couleurs et à l’expression de contrechants inattendus, en un climat plus serein et analytique, porté vers le pianissimo en contraste. On suit cette lecture très physique avec l’impression qu’Urbanski conduit un instrument unique entièrement soumis à sa volonté: tout, dans ce geste attentif à la dynamique, participe d’une relecture excitante d’une œuvre pourtant tellement rebattue, expliquant sans doute la belle ovation finale du public et les applaudissements de l’orchestre, visiblement sous le charme.



Florent Coudeyrat

 

 

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