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A la Philharmonie, le monstre sacré berliozien Paris Philharmonie 02/20/2019 - et 21* février 2019 Witold Lutoslawski : Musique funèbre
Hector Berlioz : Grande Messe des morts, opus 5 Frédéric Antoun (ténor)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orfeón Donostiarra, José Antonio Sainz Alfaro (chef de chœur), Orchestre de Paris, Orchestre du Conservatoire de Paris, Pablo Heras-Casado (direction)
P. Heras-Casado (© Richard Termine)
Huitième de Mahler, Grande Messe des morts de Berlioz: semaine de la démesure à la Philharmonie. Avec son effectif gigantesque, monstrueux même, le Requiem du Français anticipait les «Mille» de l’Autrichien. Pour cet opus 5, l’Orchestre de Paris et son chœur ne suffisaient pas: ils se sont adjoint l’Orchestre du Conservatoire et l’Orfeón Donostiarra. Mais ces unions ne sont jamais sans risque et les deux chœurs ont, dans les tonitruants tutti, parfois sonné de façon trop compacte et pas assez homogène, déjà mis à rude épreuve par les tensions d’une écriture souvent inconfortable aux voix aiguës – le «Lacrymosa», par exemple, ne les ménage pas, sans parler du «Hostias» pour les voix d’hommes. Il faut aussi adapter la masse sonore à l’acoustique, même à la Philharmonie: les déferlantes sonores, en particulier du «Rex tremendae», avec ses cuivres répartis aux quatre points cardinaux et ses timbales d’apocalypse, étaient très agressives.
Cela dit, Pablo Heras-Casado a évité le piège de la théâtralisation excessive, en soignant les transitions et en proposant une direction unitaire, impeccablement maîtrisée. Et il n’a pas sacrifié les couleurs, pas seulement dans les passages intimistes – il y en a beaucoup plus qu’on ne pense –, attentif à ces combinaisons de timbres qui sont la carte de visite de Berlioz. Même s’ils ont pu atteindre leurs limites, les chœurs ont assumé une partie écrasante, avec de magnifiques nuances pour les pages chambristes – très beau «Quaerens me» a cappella. Le Sanctus n’a pas été chanté par Bryan Hymel, qui annule tout depuis quelque temps, mais par Frédéric Antoun, placé en haut, superbe par la maîtrise du souffle et la beauté du phrasé – peut-être un peu trop incarné cependant, là où on le rêverait plus éthéré.
L’association avec la Musique funèbre «à la mémoire de Béla Bartók» de Lutoslawski, fondée sur le principe de la série mais sans qu’elle soit traitée comme chez Schoenberg, laissait a priori sceptique, malgré la beauté des cordes de l’orchestre et la direction exempte de toute austérité, parfois très pulsée, du chef espagnol. On se trompait: l’enchaînement entre la fin murmurée de l’Epilogue, confié au violoncelle solo, et les premières notes du Requiem, jouées par les seconds violons et les altos, fonctionnait parfaitement.
Le concert en intégralité sur le site de la Philharmonie de Paris:
Didier van Moere
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