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Jakub Hrůsa et le défi mahlérien

Paris
Philharmonie
02/15/2019 -  et 13 février 2019 (Bamberg)
Gustav Mahler : Symphonie n° 3
Bernarda Fink (mezzo)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Bamberger Symphoniker, Jakub Hrůsa (direction)


J. Hrůsa (© Andreas Herzau)


Franz Welser-Möst, Mikko Franck, Paavo Järvi pour ses adieux à l’Orchestre de Paris, Gustavo Dudamel, Robert Spano, Andris Nelsons, Philippe Jordan... Paris, depuis quatre ans, vit avec la panthéiste Troisième Symphonie de Mahler. L’interprétation de Jakub Hrůsa, le très talentueux chef tchèque, révélé par une superbe Rusalka à Bastille, ouvrait il y a quelques jours le week-end Mahler de la Philharmonie. L’occasion aussi d’entendre son Orchestre de Bamberg, formé au lendemain de la guerre par d’anciens membres de l’Orchestre philharmonique allemand de Prague et leur chef Joseph Keilberth: un de ces excellents ensembles d’outre-Rhin auxquels Berlin ou Munich font trop d’ombre.


Rien de tel que cette gigantesque Troisième pour juger d’un orchestre, de la sûreté de ses cuivres, du fruité de ses bois, de la rondeur de ses cordes. Réjouissons-nous: Bamberg n’a pas déçu. La direction, en revanche, soulève quelques questions. Le Kräftig. Entschieden initial révèle une sonorité acérée pour une lecture très analytique, très axée sur la netteté des couleurs – l’œuvre apparaît comme une sorte de kaléidoscope anticipant sur Ives. Mahler étant un maître des timbres, cela séduit. Mais le mouvement se déstructure, succession décousue de moments où les contrastes paraissent parfois artificiels: la baguette file droit sans donner l’impression de savoir où elle nous emmène, à travers une sorte d’errance rhapsodique qui néglige l’unité formelle.


Le Menuet est plus idiomatique, avec ses abandons chaloupés, parce que Hrůsa y retrouve ses racines de musicien d’Europe centrale – celles de Mahler aussi. Et rien ne lui échappe: les contrechants saillissent, on perçoit des détails souvent laissés dans l’ombre. Le Scherzo, malheureusement un peu compromis par l’éloignement excessif du cor de postillon, conserve son ironie. Ce sont les mouvements les plus réussis d’une interprétation rebelle à tout pathos, jusqu’à bannir l’émotion.


Le lied de Nietzsche, ainsi, chanté de façon appliquée mais assez neutre par une Bernarda Fink qui a du mal à trouver l’assise de sa première note, manque de mystère, alors que l’extrait du Knaben Wunderhorn, bien chanté par le chœur, retrouve heureusement l’esprit facétieux du Scherzo. Le Langsam final? Superbe de maîtrise orchestrale, notamment au début, avec des cordes magnifiques. Plus construit aussi que le premier mouvement, il révèle un certain art de la progression, jusqu’à l’apothéose finale, sans cependant cette vibration qui vous étreint et ne vous lâche plus. Cette symphonie a souvent laissé ici une impression de longueur – cela ne relève nullement du tempo. Hrůsa serait-il moins à l’aise dans la grande forme? On n’en continuera pas moins à le suivre: c’est l’un des meilleurs chefs de sa génération.



Didier van Moere

 

 

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