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Les Sept (longues) minutes de Giorgio Battistelli installent l’usine à Nancy

Nancy
Opéra
02/01/2019 -  et 3, 5, 7, 8 février 2019
Giorgio Battistelli : 7 minuti (création)
Milena Storti (Blanche), Francesca Sorteni (Mireille), Erika Beretti (Sabine), Alexandra Zabala (Odette), Eleonora Vacchi (Rachel), Lavinia Bini (Agnieska), Loriana Castellano (Mahtab), Arianna Vendittelli (Zoélie), Sofia Pavone (Arielle), Daniela Cappiello (Sophie), Grazia Doronzio (Lorraine)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (chef de chœur), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Francesco Lanzillotta (direction musicale)
Michel Didym (mise en scène), Jacques Gabel (décors), Pierre Albert (costumes), Joël Hourbeigt (lumières)


(© C2images/Opéra national de Lorraine)


L’intrigue de 7 minuti, commande de l’Opéra national de Lorraine à l’Italien Giorgio Battistelli (né en 1953), tient du dilemme: une usine textile est menacée... sauf si ses ouvrières acceptent de perdre sept minutes sur leur pause quotidienne, au risque d’enrichir «les cravatés» à leurs dépens. Un débat animé s’ensuit, puis un vote. Le rideau tombe juste avant la clôture du scrutin.


De la pièce de théâtre éponyme de Stefano Massini (né en 1975) inspirée d’une histoire vraie, le compositeur a tiré un livret découpé en trois tableaux et dix scènes d’une durée d’environ deux heures et quinze minutes (sans entracte). Pour habile que soit le découpage – lequel ménage à chacun des onze protagonistes féminins (on tient-là l’anti-De la maison des morts ou Billy Budd, à la distribution entièrement masculine) une aria en conformité avec son caractère –, il faut reconnaître que ces 7 Minutes paraissent bien longues. Sans doute l’enfilade des dialogues, en dépit des coupures consenties, perd-elle de sa saveur une fois transvasée dans l’espace-temps de l’opéra. D’autant que les surtitres, affichés avec un temps d’avance sur la scène, neutralisent tout effet de surprise.


Cela n’empêche pas Battistelli d’y distiller son savoir-faire d’authentique homme de théâtre. L’écriture, virtuose dans son alternance de récitatifs précipités et d’ariosos, ne va jamais contre les voix dont elle épouse les tessitures comme un gant: voici la piquante Sophie de Daniela Cappiello et ses coloratures, à qui s’oppose la masculine Rachel d’Eleonora Vacchi et ses raucités de mezzo. L’Odette d’Alexandra Zabala reçoit en partage une ravissante aria accompagnée par le délicat tintinnabulement du glockenspiel et de la harpe, tandis que la Blanche (de La Force?) de Milena Storti, héroïne isolée et pugnace dans son opposition à la direction, ne démérite pas en portant sur ses épaules l’essentiel du poids dramatique de l’œuvre. Dispersé dans la salle, le chœur intervient lors des changements de tableaux comme pour rappeler la responsabilité collective qu’endossent les membres du conseil syndical. Le décor unique de Jacques Gabel nous plonge au cœur de la cafeteria d’une usine de textiles («Picard & Roche») dont la direction d’acteurs efficace de Michel Didym exploite le potentiel théâtral en huis clos: rixes aux abords des vestiaires, assoupissements sur des palettes de tissus, jeux de tables et de chaises.


Francesco Lanzillotta conduit un Orchestre symphonique et lyrique de Nancy d’une grande transparence, enrichi d’un piano droit et des sonorités flûtées de l’accordéon. Habile, ne rechignant pas à quelques effets faciles aux percussions, la partition reste fidèle à un artisanat traditionnel par le truchement d’une trame orchestrale exaltant les phrases dolentes aux cordes, les touches de couleurs aux vents (pétulante clarinette basse) et de nombreux ostinatos coulés dans une métrique régulière. La notice biographique a beau rappeler les séminaires suivis auprès de Stockhausen et de Kagel à Cologne, l’artiste engagé Battistelli est plus proche de Menotti que de Nono, lorgne moins vers Stockhausen que vers Henze! Henze, qui ne tarissait pas d’éloge sur sa musique, et qui l’appela en 1993 à lui succéder à la direction artistique du Cantiere internazionale d’arte de Montepulciano...


Si le compositeur aurait gagné à resserrer son propos, le sujet d’une brûlante actualité joint à une distribution entièrement italophone soudée par l’esprit de troupe vaut à 7 Minuti un succès public mérité.



Jérémie Bigorie

 

 

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