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« Excentrique » hommage à Jean-Michel Basquiat

Paris
Fondation Louis Vuitton
01/21/2019 -  
Matthias Pintscher : skull (création)
John Cage : Seven Haiku
George Crumb : Vox Balaenae – Black Angels
Yann Robin : Art of Metal II
Bryce Dessner : Wires

Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


B. Dessner (© Shervin Lainez)


L’Ensemble intercontemporain fait ses débuts à la Fondation Louis Vuitton dans un programme en lien avec l’exposition temporaire consacrée à Jean-Michel Basquiat. Un prolongement sonore que Matthias Pintscher a voulu « excentriquement beau » (pour reprendre les mots du peintre), même s’il semble difficile d’associer à cette icône de la mouvance underground un équivalent musical aussi satisfaisant que les tandems formés par Klee/Webern, Kandinsky/Schoenberg, ou Picasso/Stravinsky.


Après la création de skull de Matthias Pintscher (né en 1971), sorte d’intrada où les trompettistes Clément Saunier, Lucas Lipari-Mayer et Gustav Melander sondent les vertus résonantes et répercussives de l’auditorium, les Seven Haiku (1952) anticipent sur la dernière période de John Cage (1912-1992) en ce qu’ils manifestent une volonté d’effacement du créateur derrière son œuvre. Le pianiste Hidéki Nagano enrobe de silence ces miniatures qui se situent en deçà de la composition... non sans une pointe de provocation: dans l’auteur de 4’33, le disciple du bouddhisme zen cohabite avec le gosse à la sarbacane dynamiteur de la tradition.


Géant américain toujours en activité, George Crumb (né en 1929) met en scène dans Black Angels (1970) un théâtre d’ombres où les fantômes de la guerre du Vietnam côtoient des lambeaux sonores de Schubert (référence à l’Andante con moto du Quatuor «La Jeune Fille et la Mort»), le Dies Irae grégorien et autres réminiscences de pièces pour consort de violes issues de la période élisabéthaine. Il est aussi demandé aux musiciens – en l’occurrence Jeanne-Marie Conquer, Diego Tosi (violons), John Stulz (alto) et Eric-Maria Couturier (violoncelle) – de manipuler harmonicas de verre et gongs suspendus. Cette ambiance feutrée se retrouve dans le plus rare Vox Balaenae (1971) pour trois joueurs masqués (le violoncelliste Pierre Strauch, la flûtiste Sophie Cherrier et la violoniste Hae-Sun Kang). Crumb y incorpore à son univers le chant des baleines à bosse – bien qu’il ne se soit pas employé à le transcrire comme Messiaen le fit avec les chants d’oiseaux: tissées de temps suspendus qui dégagent une grande paix intérieure, les séquences enchaînées jouent à merveille sur l’ambiguïté des timbres, la «Vocalise» initiale agissant comme la cellule-mère au sein de laquelle le discours musical aspire à retourner.


Entendu à la suite de La Voix des baleines, Art of Metal II (2007) pour clarinette contrebasse métal et dispositif électronique évoquerait plutôt le combat de Gilliatt avec la pieuvre! Pour cette plongée au cœur du son, Yann Robin (né en 1974) agrippe l’auditeur au collet pour ne plus le lâcher. Alain Billard ne ménage pas ses efforts dans cette partition explosive où la note s’efface derrière l’énergie (éclatée par les micros) qui préside à sa production.


Lorsqu’il compléta Wires (2016) pour honorer une commande de l’Ensemble intercontemporain, l’Américain Bryce Dessner (né en 1976) s’est moins laissé glisser sur sa pente naturelle qu’il ne l’a suivie en montant. A la fois membre du groupe de rock The National et diplômé en composition à Yale, Dessner tient la partie soliste de guitare électrique dans sa pièce pour grand ensemble qui s’apparente à un concerto de chambre. Des minimalistes, le compositeur a hérité le sens de la pulsation et des profils motiviques finement ciselés. Si l’on n’y percevra ni l’élaboration rythmique d’un Steve Reich ni les répétitions hypnotiques d’un Philip Glass, Wires s’écoute néanmoins avec un réel plaisir tant l’écriture instrumentale, très aérée (nombreux unissons et solos), se déploie avec naturel. Les musiciens de l’EIC, sous la direction d’une grande souplesse de Matthias Pintscher, font montre d’une virtuosité fluide, parfaitement appareillée à l’esprit de l’œuvre.



Jérémie Bigorie

 

 

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