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Drogues dures

Vienna
Konzerthaus
01/12/2019 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Symphonies n° 1 «Rêves d’hiver», opus 13, et n° 6 «Pathétique», opus 74
Orchestre du Théâtre Mariinski, Valery Gergiev (direction)


V. Gergiev (© Alexander Shapunov)


Comme de coutume, le passage de Valery Gergiev accompagné de son Orchestre du Mariinski prend un aspect quasiment protocolaire, rassemblant l’espace de quelques soirées (habituellement au nombre de trois) la communauté russe de Vienne. Bien heureusement, cet aspect mondain ne nuit en rien à la qualité musicale de l’événement.


La Première Symphonie est certainement la révélation de ce concert, Gergiev la hissant ce soir de manière prémonitoire au niveau des œuvres de maturité du compositeur; dès les premières notes de l’introduction, le souffle détimbré de la flûte crée une atmosphère intensément évocatrice, ajoutant une dimension d’inquiétude à un Allegro assurément assez peu tranquillo. La mobilité du tempo vient renforcer cette impression, et lorsque le silence s’établit sur le point d’orgue concluant le second thème, c’est un trou noir qui engloutit la scène. La gestion de l’architecture est remarquable, le suspense étant construit avec un formidable sens de la gradation dans les mesures qui annoncent la réexposition. Dans le deuxième mouvement, le chef garde les solos sous contrôle, sculptant avec précision les phrasés mélodiques. La hiérarchisation des nuances est particulièrement soignée, personnalisée à défaut d’être textuelle: il n’y a guère de mezzo forte qui se ressemblent, chacun étant adapté au contexte afin de procurer un maximum d’impact. Le scherzo est délivré avec la netteté d’une découpe au laser; le finale lance une montée inéluctable, dans laquelle les musiciens s’engagent sans garder la moindre réserve de secours, vous immergeant dans les profondeurs de l’âme russe.


Avec la Symphonie «Pathétique», Gergiev accroît encore la charge émotionnelle: c’est une lecture des extrêmes – rubatos, dynamiques, accentuations – mais qui ne distord pas la partition et sait distiller patiemment quelques moments de sursis afin de ne pas saturer l’auditeur. L’Allegro vivo est lancé avec une rage contenue, à l’image des interventions des pupitres de cuivres, violentes mais sans dureté. Les tempi adoptés dans les mouvements centraux sont sûrement l’aspect le plus contestable de l’interprétation: une valse si rapide que l’effet de la mesure à cinq temps semble s’effacer, et fait ressortir le côté vulgaire des cuivres, et surtout un Allegro molto vivace pris un bon 30% au-dessus du 152 indiqué par le compositeur, rendant sûrement la vie difficile au clarinettiste pour parvenir à placer les appogiatures dans un piano leggieramente, et transformant la reprise du thème par les pupitres de violon à l’unisson en quasi col legno. Et pourtant, c’est tellement bien exécuté, l’orchestre semblant parfois s’enivrer de sa propre virtuosité, avec des premiers violons qui finissent leur traits à moitié debout, qu’il est difficile de ne pas se laisser soi-même emporter. Le dernier mouvement, catapulté par ce tempo, monte également très rapidement en intensité: à la mesure 50, alors que les cordes commencent tout juste à s’animer, on se demande comment l’orchestre pourra tenir la distance avec un tel niveau d’intensité.


Il y a quelque chose de miraculeux dans cet orchestre qui aligne des instrumentistes jouant tous avec l’engagement de solistes individuels, et qui pourtant parviennent à une homogénéité de tout premier plan; dans ce chef dont la gestique devient au fil des années de plus en plus mystérieuse, et qui pourtant obtient un son d’une transparence et précision fascinantes.


L’intégrale des Symphonies (numérotées) de Tchaïkovski se poursuivait les deux soirées suivantes avec les mêmes interprètes.



Dimitri Finker

 

 

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