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Sous le signe de la fraîcheur

Berlin
Philharmonie
01/10/2019 -  et 11*, 12 janvier 2019
Serge Rachmaninov: Le Printemps, opus 20
Alexandre Borodine: Le Prince Igor: «Danses polovtsiennes»
Serge Prokofiev: Alexandre Nevski, opus 78

Agunda Kulaeva (mezzo-soprano), Vasily Ladyuk (baryton)
Chœur du Théâtre du Bolchoï de Moscou, Valery Borisov (chef de chœur), Berliner Philharmoniker, Tugan Sokhiev (direction)


T. Sokhiev (© Marco Borggreve)


Programme entièrement russe ce soir à la Philharmonie pour la deuxième représentation de la première trilogie de concerts donnée par les Berliner Philharmoniker en cette année 2019! Force est de constater que le public n’aura pas fait un triomphe à un concert pourtant de belle tenue, mais peut-être fut-il quelque peu dérouté par un programme qui comprenait deux premières dans le répertoire du Philharmonique (si les «Danses polovtsiennes» ont bien sûr déjà été données, elles ne l’avaient jamais été dans cette version chorale) et une œuvre certes connue de Prokofiev mais qui n’avait pas été jouée depuis 1999, alors sous la direction de Claudio Abbado (avec Marianna Tarasova en soliste).


Le concert, qui devait débuter par Borodine commença, à la demande semble-t-il de Tugan Sokhiev, par Rachmaninov, autant le dire par le «maillon faible» de ce programme. Non que la prestation du baryton Vasily Ladyuk fût mauvaise ou la partition instrumentale inintéressante mais avouons que le propos de cette annonce du printemps revêt un caractère assez naïf qui peine à susciter un intérêt prolongé. Pourtant, l’orchestre se voit confier de beaux passages à l’instar de cet inhabituel tremolo confié d’entrée aux altos, permettant ainsi aux violoncelles de développer leur premier thème avec un souffle quasi épique. L’œuvre permet ensuite à quelques solistes d’émerger ici ou là (mention spéciale au toujours excellent Dominik Wollenweber au cor anglais) mais, si l’on est pris par certains tutti (notamment lorsque chœur et orchestre entonnent ensemble le passage «Un bruissement de fins roseaux»), la progression a du mal à se dessiner. Et il faut bien quelques spectateurs polis pour que, applaudissements aidant, Vasily Ladyuk puisse tout de même revenir une fois sur scène saluer le public de la Philharmonie.


Les «Danses polovtsiennes» connurent immédiatement un grand succès auprès du public, dès la série des «Concerts historiques de musique russe» organisée à Paris en 1907 par l’irremplaçable Diaghilev. Illustrant les danses offertes par le Khan Kontchak au Prince Igor, prisonnier de Polovtsiens après sa cuisante défaite militaire, elles permirent au Philharmonique de Berlin de briller de mille feux. Même si la direction de Tugan Sokhiev (qui a fait ses débuts avec l’orchestre en janvier 2010, avant d’avoir été régulièrement invité depuis) aurait sans doute pu être plus enflammée, les bois s’en donnent à cœur joie et chaque spectateur se trouve entraîné par ce tourbillon sonore parfaitement rehaussé par les interventions du chœur, excellent de la première à la dernière note de ce concert. Les clarinettes d’Andreas Ottensamer et de Walter Seyfarth inaugurent un «tricotage» des plus virtuoses dans lequel s’insèrent par la suite, avec un plaisir non dissimulé, la flûte de Mathieu Dufour et le hautbois d’Albrecht Mayer: un spectacle tout autant visuel que sonore!


Composée en 1938 pour illustrer le film d’Eisenstein, la cantate Alexandre Nevski a donné lieu à une superbe interprétation. D’emblée, les couleurs de l’orchestre sont magnifiques, ce dernier sachant parfaitement varier les climats: les cuivres (quatre cors, trois trompettes, trois trombones et un tuba) furent éclatants dans «Les croisés dans Pskov», les cloches doublèrent avec enthousiasme la ferveur de la population incarnée par le chœur dans le passage «Aux armes, peuple russe» et, bien sûr, les sonorités furent ô combien inquiétantes dans la célèbre «Bataille sur la glace», les images du film d’Eisenstein (souvenez-vous de cette horde de cavaliers teutons coiffés de heaumes crépusculaires arrivant dans le lointain face à l’armée du peuple russe conduite par Nevski) nous revenant bien sûr à l’esprit, images rendues obsédantes par cet ostinato de cordes annonçant ces accents si incroyables dévolus aux cuivres. Tugan Sokhiev aurait sans doute là aussi pu se montrer plus «conquérant» mais la musique, finalement, se suffisait à elle seule. La prestation de la mezzo Agunda Kulaeva fut également très bonne (elle, comme son compatriote Ladyuk, faisant à cette occasion leurs débuts avec le Philharmonique de Berlin), son chant illustrant avec beaucoup de peine et de chaleur à la fois les désolations du champ de bataille («...Celui-ci gît, abattu par un sabre sauvage, cet autre gît, muet, empalé sur une lance...») avant que le chœur, lumineux, ne conclue logiquement l’œuvre par un chant à la gloire de la Sainte Russie.



Sébastien Gauthier

 

 

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