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Macabre

Paris
Philharmonie
12/07/2018 -  
Győrgy Ligeti : Requiem – Le Grand Macabre (extraits) (2)
Elèves du département des disciplines vocales du Conservatoire de Paris: Marie Soubestre [2], Makeda Monnet [1, 2] (sopranos), Victoire Bunel [1, 2], Borbála Kiss [2] (mezzos), Benoît Rameau [2], Jenő Dékán [2] (ténors), Jean-Christophe Lanièce [2] (baryton), Olivier Gourdy [2] (basse)
Nemzeti Enekkar, Csaba Somos (chef de chœur), Ensemble intercontemporain, Orchestre du Conservatoire de Paris (1, 2), Matthias Pintscher (direction)


V. Bunel, M. Monnet (© Quentin Chevrier)


Il était plaisant en ce vendredi pluvieux de décembre de voir la salle Pierre Boulez remplie pour un programme entièrement dédié à Győrgy Ligeti. Disparu en 2006, ce grand compositeur né en Hongrie en 1923 et naturalisé autrichien en 1967, après une reconnaissance internationale grâce au film de Stanley Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace, semble actuellement trop souvent oublié. Ce programme passionnant intitulé « Le Grand Macabre » rappelle pourtant, s’il en était besoin, quel immense compositeur était Ligeti.


Ce concert débutait par le Requiem (1963-1965), dont le deuxième mouvement fut utilisé en son temps par Stanley Kubrick. Œuvre unique et d’une modernité persistante plus de cinquante ans après sa composition, ce Requiem est certainement l’un des plus fascinants du XXe siècle avec ceux de Britten, Stravinsky et Zimmermann. Il n’avait pourtant pas été donné à Paris depuis 2011. La structure de l’œuvre évoque un losange, les deux mouvements extrêmes pianissimo encadrant les deux mouvements centraux à dominante fortissimo. Après un premier mouvement («Introïtus») d’allure faussement statique, la complexité harmonique prend le dessus dans le deuxième mouvement («Kyrie»), centre de gravité de l’œuvre, ce qui n’avait pas échappé à Kubrick. La violence qui se déchaîne dans le troisième mouvement («De die judicii sequentia» – en fait «Dies Irae») fait ensuite place à l’apaisement dans le sobre dernier mouvement («Lacrimosa»), l’unique passage confié aux seuls solistes, en un retour au début de l’œuvre qui évoque d’autres messes des morts. Cette construction n’est d’ailleurs pas le seul clin d’œil au passé, à savoir à Mozart mais sans doute aussi à Berlioz.


Avec seulement environ soixante-dix chanteurs, l’excellent Chœur national hongrois réussit le prodige de chanter avec précision et lisibilité une partition qui requiert jusqu’à vingt parties. Les basses hongroises aux graves généreux et les soprani à l’intonation précise rendent pleinement justice à l’écriture de Ligeti et à ses harmonies serrées, même si au début de l’œuvre, les pianissimi des voix d’hommes se perdent sans doute du fait de la disposition du chœur en arrière-scène. Makeda Monnet et Victoire Bunel, respectivement soprano et mezzo-soprano, ne semblent pas gênées par l’écriture vocale acrobatique du «Dies Irae», hormis quelques suraigus insuffisamment libres, mais sont plus touchantes dans la déploration finale du «Lacrimosa». Matthias Pintscher dirige cette œuvre complexe avec son autorité et sa précision habituelles tout en soulignant ses contrastes et l’opposition architecturale entre l’écriture chorale et les blocs orchestraux. Une magnifique interprétation d’une pièce décidément majeure du répertoire choral du XXe siècle que l’on aimerait entendre plus souvent.


L’opéra Le Grand Macabre (1974-1977) a été composé une dizaine d’années plus tard. Après sa création en 1978 à Stockholm, Ligeti en donnera une version révisée, créée par Esa-Pekka Salonen à Salzbourg en 1997. Les extraits entendus ce soir sont une version de concert réunissant certaines parties de cet opéra qui mélange le macabre, le grotesque et le trivial. Une fois entendu le concert de klaxons qui ouvre l’œuvre, place à Marie Soubestre, soprano, et Victoire Brunel, mezzo-soprano, qui font preuve d’une belle complicité vocale. Du côté des hommes, le ténor Benoît Rameau est un bouffon à fort tempérament et Jean-Christophe Lanièce un Nekrotzar bien caractérisé, même si on le perd trop souvent dans les graves. Tous deux pourraient à l’avenir parfaire leur allemand. Si certains passages évoquent le Wozzeck de Berg, la passacaille finale (durant laquelle interviennent brièvement Borbàla Kiss, Jenö Dekàn, Olivier Gourdy et Makeda Monnet) fait incontestablement à John Adams. Mais n’est-ce pas le propre des bonnes musiques que de puiser dans le passé et d’irradier vers l’avenir? Toujours est-il que l’ensemble de l’exécution, par son équilibre et son intensité, rend pleinement justice à un ouvrage lyrique décidément atypique mais attachant. De quoi vous donner envie de l’écouter en entier.


Une magnifique soirée qui fait honneur à la programmation audacieuse de l’Ensemble intercontemporain et qui permet à de jeunes musiciens et chanteurs de côtoyer l’excellence. Que demander de plus?


Le concert en intégralité sur le site de la Philharmonie de Paris



Gilles Lesur

 

 

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