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Une exquise Cendrillon Lausanne
Opéra
11/23/2018 - et 24, 25, 28 novembre 2018
Pauline Viardot : Cendrillon (orchestration Didier Puntos)
Alexandre Diakoff (Le Baron de Pictordu), Alexandra Dobos-Rodriguez (Marie, dite Cendrillon), Jean Miannay (Le Prince charmant), Béatrice Nani (Armelinde), Ada Élodie Tuca (Maguelonne), Anne Sophie Petit (La Fée), Louis Zaitoun (Le Comte Barigoule)
Sinfonietta de Lausanne, Didier Puntos (direction musicale)
Gilles Rico (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Karolina Luisoni (Costumes), Denis Foucart (lumières)
(© Alan Humerose)
Pour sa production annuelle destinée au jeune public, l’Opéra de Lausanne a eu l’heureuse initiative de mettre à l’affiche la très rare et exquise Cendrillon de Pauline Viardot. Fille du ténor espagnol Manuel Garcia, un des créateurs du Barbier de Séville, et sœur de Maria Malibran, l’une des plus grandes cantatrices du XIXe siècle, Pauline Viardot (1821-1910) aurait pu mener une existence paisible, dans l’ombre de son illustre famille. Et pourtant, sa vie fait d’elle une des femmes les plus remarquables de toute l’histoire de la musique. Elle a, elle aussi, été chanteuse (certes moins virtuose que sa sœur, mais Meyerbeer, Berlioz, Gounod, Schumann ou encore Brahms ont écrit pour elle, excusez du peu) et pianiste (elle a eu Franz Liszt pour professeur). Après son retrait de la scène en 1863, elle s’est consacrée à la composition (écrivant notamment plusieurs œuvres légères sur des livrets de l’écrivain russe Ivan Tourgueniev, dont elle a été la muse) ainsi qu’à l’enseignement du chant.
Pauline Viardot a composé sa Cendrillon alors qu’elle avait déjà 83 ans. L’ouvrage, écrit pour sept chanteurs et piano, a été créé en 1904 dans un salon parisien. Pour les représentations lausannoises, le compositeur français Didier Puntos a été chargé d’en proposer une adaptation pour douze musiciens (cinq cordes, cinq vents, piano et percussion) qui respecte l’idée d’« opérette de salon » chère à Pauline Viardot. Il a aussi fait quelques ajouts. Cendrillon est une œuvre légère et pleine d'humour, avec de nombreux clins d'œil au conte de Perrault mais aussi aux opéras de Rossini et de Massenet. Le méchant beau-père de l'héroïne est devenu un épicier enrichi tout juste sorti du bagne, et le valet du prince un ancien client. Si l’ouvrage n’est pas une découverte majeure, il séduit néanmoins par son côté facétieux et spirituel.
Gilles Rico a conçu une mise en scène onirique : Cendrillon est une adolescente de nos jours, qui a perdu sa mère. Après une dispute avec son père, elle s’endort et se met à rêver. Elle est alors entraînée dans le conte par une femme mystérieuse. A la fin de l’histoire, elle se réveille dans son lit, mais aperçoit dans sa chambre une des chaussures qu’elle a portées au bal du prince. Les magnifiques décors de Bruno de Lavenère (l’intérieur de la maison de Cendrillon avec ses nombreuses portes et une salle du palais du prince avec un escalier monumental) exaltent la féérie du livret. L’enchantement se lit sur les visages des nombreux enfants présents dans la salle. L’héroïne est interprétée avec finesse par Alexandra Dobos-Rodriguez, une jeune chanteuse prometteuse dont la voix juvénile et lumineuse est idéale pour le rôle. On retiendra également le baron de Pictordu truculent d’Alexandre Diakoff et le prince élégant et raffiné de Jean Miannay. Louis Zaitoun fait aussi forte impression en chambellan particulièrement dégourdi. La fée d’Anne Sophie Petit doit souvent chanter suspendue dans les airs, alors que les sœurs incarnées par Béatrice Nani et Ada Elodie Tuca sont certes deux petites pestes, mais pas foncièrement méchantes.
Heureuse coïncidence : quelques semaines avant l’exhumation de Cendrillon à Lausanne, on apprenait que la « Villa Viardot » à Bougival, à l’abandon depuis des années, venait de recevoir le premier chèque du Loto patrimoine lancé par Stéphane Bern.
Claudio Poloni
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