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Une Heure espagnole animalière et onirique Lyon Opéra 11/17/2018 - et 18, 20, 21 novembre 2018 Maurice Ravel : L’Heure espagnole Clémence Poussin (Concepción), Quentin Desgeorges (Gonzalve), Grégoire Mour (Torquemada), Christoph Engel (Ramiro), Martin Hässler (Don Inigo Gomez)
Orchestre de l’Opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer (direction)
James Bonas (mise en scène), Grégoire Pont (concept et vidéo), Thibault Vancraenenbroeck (décors et costumes), Christophe Chaupin (lumières)
(© Michel Cavalca)
Après le succès rencontré in loco par L’Enfant et les sortilèges il y a deux saisons, Serge Dorny a réuni la même talentueuse équipe artistique – James Bonas à la mise scène et Grégoire Pont pour la vidéo – pour monter le premier ouvrage lyrique de Maurice Ravel, L’Heure espagnole. Comme pour le premier titre, un rideau de tulle sépare l’orchestre – placé derrière – du décor très minimaliste (deux escaliers, une table, une chaise et quelques coffres d’horloge) de Thibault Vancraenenbroeck. Ce sont les images vidéo, toutes de poésie onirique, qui viendront animer la toile – et éblouir la rétine des spectateurs. La mise en scène de James Bonas se distingue par son humour dévastateur et une excellente direction d’acteurs qui transforment chacun des personnages en un animal censé correspondre à la psyché de chacun d’entre eux: ainsi Concepción est-elle grimée en chatte, Gonzalve en lapin, Ramiro en Taureau, Torquemada en souris et Don Gomez en cochon!
Tous issus du Studio de l’Opéra de Lyon, les jeunes artistes convainquent pleinement, en maintenant l’exact équilibre entre chant et théâtre indispensable dans cette œuvre. En Gonzalve, le ténor lyrique de Quentin Desgeorges nous régale de belles envolées sans jamais perdre de vue le second degré nécessaire à son personnage. L’imposant Don Gomez de Martin Hässler varie avec bonheur les registres, de la majestueuse componction de son air d’entrée au falsetto grotesque de la scène du coucou. Le jeune baryton allemand Christoph Engel (Ramiro) fait valoir une belle sensibilité aux exigences du chant français: clarté d’élocution, nuances et subtilité du phrasé sont à mettre à son crédit. Grégoire Mour se montre parfait jusque dans sa discrétion de mari cocu. Enfin, Clémence Poussin incarne une troublante Concepción qui emporte tout ce beau monde dans un vaste tourbillon: la voix, au timbre prenant et très personnel, s’épanouit sans effort, chaleureuse et parfaitement projetée.
Par l’étonnante plénitude qu’il renvoie, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon impose une réelle cohérence qui dépasse largement la qualité individuelle ou la technicité de chaque pupitre, avec une subtilité et une clarté admirables. Loin de chercher à imposer une lecture uniforme, le travail du chef californien Jonathan Stockhammer est ici de trouver le juste milieu entre sensualité et humour.
Emmanuel Andrieu
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