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De la vocation faustienne de la Fura

Madrid
Teatro Real
09/19/2018 -  et 19, 20, 22, 23, 24, 27, 28*, 30 septembre, 1er, 3, 4, 6, 7 octobre 2018
Charles Gounod: Faust
Piotr Bezcala*/Ismael Jordi (Faust), Luca Pisaroni*/Erwin Schrott/Adam Palka (Méphistophélès), Marina Rebeka*/Irina Lungu (Marguerite), Stéphane Degoutµ/John Chest (Valentin), Isaac Galán (Wagner), Srena Malfi*/Annalisa Stroppa (Siébel), Sylvie Brunet-Grupposo*/Diana Montague (Marthe)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Dan Ettinger (direction musicale)
Alex Ollé (La Fura del Baus) (mise en scène, avec Valentina Carrasco), Alfonso Flores (décors et vidéo), Lluc Castells (costumes), Urs Schönbaum (lumières)


M. Rebeka, P. Bezcala (© Javier del Real/Teatro Real)


C’est bien connu: Faust de Gounod est constamment resté au répertoire pendant près d’un siècle. A une époque plus récente, quand on essaye simplement de retrouver quelques opéras du compositeur, la renommée indiscutée de Faust apparaît en recul. Et cela depuis longtemps. Certes, Roméo et Juliette est bien installé, mais Mireille se situe un peu plus loin, et il faut un peu de travail pour retrouver Cinq-Mars ou La Reine de Saba. L’Opéra-Comique a eu le courage, pour le deuxième centenaire de Gounod, de produire La Nonne sanglante, comme Olivier Brunel en a rendu compte dans nos colonnes. Et Genève a révisé Le Médecin malgré lui il y a deux ans: «un petit bijou d’opéra bouffe!», s’exclamait Claudio Poloni.


La Fura dels Baus a montré sa vocation faustienne très tôt. Une pièce de théâtre, F@ust 3.0, dans la seconde moitié des années 1990: l’énorme seconde partie du Faust en un quart d’heure! La Damnation de Faust de Berlioz, très importante dans leur carrière: si je ne me trompe, cette production a marqué la découverte de La Fura par Mortier. Enfin, le film Faust 5.0. On ne peut pas nier que chez La Fura il y a aussi une permanence des icônes pop, peut-être de moins en moins, mais quand même patente dans ce Faust.


Ollé, voix et image de La Fura, a illustré son Faust avec de l’humour – ah, que faire aujourd’hui de la nuit de Walpurgis! le mieux est d’en faire cette satire – mais pas trop de lyrisme, presque rien comme direction d’acteurs, un sens théâtral peu profond, et il semble que ce soit cela que l’opéra de Gounod, Barbier et Carré réclame, avec son charme guère goethéen. Il est vrai que Barbier et Carré aimaient ce genre de présences diaboliques (Offenbach et Hoffmann).


Spectaculaire, avec une absence de direction d’acteurs signée La Fura, mais aussi avec d’importantes trouvailles (comme la marche et le chant des soldats, pas du tout héroïques ici, mais toute une bande d’infirmes revenant péniblement de la guerre) et avec quelques images fortes: les femmes-poupées, femmes-objets, de faux nus; un peu étrange que de déguiser les étudiants en footballeurs; Méphistophélès commence un peu comme Buffalo Bill, Daniel Boone, Klaus Kinski, Mick Jagger, et change de déguisement pendant toute l’action. C’est vrai, à un moment donné, l’opéra est plutôt ce démon sympa que le bon Docteur Faust, qui a oublié ses sciences, ses programmes d’homuncules devant le charme de la petite lycéenne appelée Marguerite.


Le Polonais Piotr Bezcala faisait ses débuts au Teatro Real (il s’y était précédemment produit dans un hommage à Alfredo Kraus, mais pas dans un opéra) et il a remporté un triomphe mérité; les lyricophiles connaissent bien sa carrière. Mais on ne connaissait pas aussi bien celle de la formidable soprano lettone Marina Rebeka, dont les dynamiques, les nuances, les filati ont été de très haut niveau, et donnaient parfois la fausse impression d’un manque de volume, mais ses forte soudains, ses aigus parfaits le démentaient immédiatement: elle nuançait, voilà tout. Elle a été bien récompensée par un public conquis. L’Italien Luca Pisaroni, autrefois connu dans le répertoire baroque et classique, a eu de splendides moments en tant que comédien, mais son chant n’a pas souffert malgré ce rôle actif en permanence; Ollé et Castells lui ont donné des changements de costumes tellement inattendus (tantôt gratuits, tantôt trrrranscendents) que Pisaroni semblait jouer plusieurs rôles «à partir du démon». Formidable, le baryton Stéphane Degout dans le rôle pas toujours sympathique de Valentin. Sortie d’entre les poupées aux blonds cheveux et aux poitrines exagérées (tout en plastique), la Marthe de la Française Sylvie Brunet-Grupposo a été efficace, adéquate et cocasse. Le public a gratifié avec des applaudissements chaleureux la prestation tendre, lyrique, belle de Serena Malfi dans le rôle travesti de Siébel. Enfin, on ne doit pas oublier Isaac Galán, très efficace dans le petit rôle de Wagner, le disciple, ici un peu écarté de l’action par la mise en scène.


Comme d’habitude, le chœur, dirigé par Andrés Máspero, a été juste, plein de sensibilité et de nuances, des voix cachées jusqu’aux situations de masse. L’Israélien Dan Ettinger, un des jeunes talents les plus remarquables du moment, a réussi de formidables débuts au Teatro Real avec la justesse, la sensibilité, le sens dramatique de sa baguette. Il a mérité les applaudissements chaleureux, lui aussi, du public.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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