About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Deuxième concert pour deux numéros un

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/22/2018 -  
Richard Strauss: Don Juan, opus 20
Franz Liszt: Concerto pour piano n° 1 en mi bémol majeur majeur
Johannes Brahms: Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68

Evgeny Kissin (piano)
Orchestre national de France, Emmanuel Krivine (direction)


E. Kissin (© Felix Broede)


Voilà près d’un an, Emmanuel Krivine donnait un concert avec l’Orchestre national de France qui alliait notamment le Second Concerto pour piano de Franz Liszt avec Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss: presque bis repetita ce soir puisque la première partie était l’exact reflet de cette programmation où le soliste avait alors été Jean-Yves Thibaudet.


Retrouvant son port d’attache historique, le Théâtre des Champs-Elysées, le National n’aura pourtant pas bénéficié de la même réussite lors du concert de ce soir. Don Juan (1889) ne revêt à aucun moment le caractère héroïque, conquérant et même bravache qu’est censé avoir le personnage. En dépit de beaux tutti, les quatre cors se montrent trop sur la réserve et l’ensemble manque cruellement de couleurs: joué pour une large part de façon assez précipitée, Emmanuel Krivine ne laissant personne souffler dans la première partie de l’œuvre, Don Juan ne nous raconte pas d’histoire mais souffre au contraire d’une certaine platitude, renforcée d’ailleurs par un jeu assez restreint sur les nuances. C’est d’autant plus dommage que certains solistes – hautbois et violon solo (Luc Héry) – distillent de très belles sonorités, mais qui ne suffisent pas à racheter une interprétation globalement monochrome.


Le public, venu en masse ce samedi soir, attendait un artiste: Evgeny Kissin. Bénéficiant depuis quelques mois d’une double actualité (la sortie d’un livre autobiographique, assez lénifiant pour ce que nous en avons lu, et le retour chez Deutsche Grammophon dans le cadre d’un contrat exclusif), le pianiste russe mais désormais naturalisé anglais (né en 1971), quelque peu souffrant ce soir, n’aura livré qu’une prestation mitigée en dépit de l’ovation reçue, une partie des spectateurs ayant même commencé une standing ovation pour le moins incompréhensible au regard de ce Premier Concerto de Liszt. Alors que l’orchestre manque de mordant dans les premiers accords de l’Allegro maestoso inaugural, Kissin adopte un jeu extrêmement lourd et martial aux semelles de plomb: pour un peu, on croirait entendre Denis Matsuev! Si l’orchestre gagne en dynamique au fil du mouvement, le soliste en reste pour sa part à un jeu qui oscille entre l’affectation et la dureté, sa main droite intervenant avec trop de force au point d’écraser le dialogue avec des bois excellents, à commencer par les quelques traits de la clarinette. Après un deuxième mouvement qui bénéficia certes de belles cordes (pupitres d’altos et de violoncelles en tête) mais d’un pianiste jouant de façon trop indépendante par rapport à l’orchestre, le troisième mouvement Allegro marziale animato – Presto renversa la tendance avec un Evgeny Kissin plus à l’aise, plus volontaire, mais accompagné par un National dont Emmanuel Krivine semble avoir voulu masquer toutes les aspérités au point d’être là aussi beaucoup trop lisse. Résultat plus que mitigé donc mais pourtant célébré par un public enthousiaste auquel Kissin réserva trois bis qu’ils annonça en français de sa voix si mécanique et reconnaissable entre toutes: un anecdotique Tango dodécaphonique de sa composition, la deuxième des trois Valses opus 64 (celle en bémol majeur) de Frédéric Chopin, un rien trop ampoulée, et la splendide Etude en ut dièse mineur opus 2 n° 1 d’Alexandre Scriabine qui, enfin, nous a rappelé quel immense pianiste pouvait être Evgeny Kissin. Regrettons néanmoins l’inattention récurrente de certains spectateurs (toux intempestives, téléphone portable ô combien intrusif qui suscita d’ailleurs une légère bronca de la part d’une partie des auditeurs), qui aura gâché la majeure partie de la fin de la première partie de ce concert.


Pour sa deuxième année en tant que directeur musical du National, Emmanuel Krivine a choisi de consacrer à Johannes Brahms plusieurs concerts où doivent être donnés les quatre Symphonies, le Requiem allemand et le Second Concerto pour piano (les trois prochains concerts de cycle étant prévus les 7 et 14 mars ainsi que le 6 juin 2019), auxquels il convient d’ajouter plusieurs concerts de musique de chambre (Brahms toujours) donnés par les musiciens de l’orchestre. Après une Quatrième Symphonie qui avait laissé une impression mitigée, réjouissons-nous de cette Première qui, sans totalement nous combler, aura tout de même été la réussite de la soirée. Comme dans la Quatrième, Krivine adopte une conception marquée par la grande clarté des timbres au détriment des effets de masse (notamment chez les cordes), ne donnant ainsi pas sa pleine puissance au pupitre de contrebasses (il est vrai que, celles-ci mordant en partie sur les coulisses à gauche de la scène, il aurait peut-être été opportun de les disposer «à la viennoise», en fond d’orchestre). Si le Un poco sostenuto – Allegro inaugural manquait indéniablement de noirceur et de puissance (où étaient donc les cors?), les deux mouvements centraux furent les plus convaincants, de l’Andante sostenuto aux couleurs presque schubertiennes au Un poco allegretto e grazioso dans lequel, déjà fortement sollicitée en première partie, brilla la clarinette de Christelle Pochet, récemment recrutée comme soliste aux côtés de Patrick Messina. Le mouvement conclusif convainquit en partie grâce à un sens de la construction et à l’élan de Krivine mais, là encore, on aurait souhaité davantage de grandiose chez les cors et de legato chez les cordes: un bilan qui se révèle donc en demi-teinte.


Le site d’Evgeny Kissin



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com