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La force de l’épure

Geneva
Opéra des Nations
09/10/2018 -  et 12*, 14, 16, 18, 20, 22, 24, 26, 27 septembre 2018
Georges Bizet : Carmen
Ekaterina Sergeeva/Héloïse Mas* (Carmen), Sébastien Guèze/Sergej Khomov* (Don José), Ildebrando D’Arcangelo (Escamillo), Mary Feminear/Adriana González* (Micaëla), Héloïse Mas/Carine Séchaye* (Mercédès), Melody Louledjian (Frasquita), Ivan Thirion (Le Dancaïre), Rodolphe Briand (Le Remendado), Martin Winkler (Zuniga), Jérôme Boutillier (Moralès), Alonso Leal Morado (Lillas Pastia), Brigitte Cuvelier, Jean Chaize (Le couple), Marianne Dellacasagrande (Une marchande), Wolfgang Barta (Un bohémien)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Maîtrise du Conservatoire populaire de Musique, Danse et Théâtre, Magali Dami, Fruzsina Szuromi (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, John Fiore (direction musicale)
Reinhild Hoffmann (mise en scènes et décors), Andreas Schmidt-Futterer (costumes), Alexander Koppelmann (lumières)


(© GTG / Magali Dougados)


La saison lyrique genevoise 2018-2019 aurait dû débuter par une reprise du Ring au Grand Théâtre. Cependant, comme les travaux de rénovation du bâtiment ont pris du retard, les spectacles seront présentés à l’Opéra des Nations jusqu’en janvier 2019. La salle de remplacement ne pouvant accueillir de grosses productions en raison d’équipements techniques limités, il a fallu repenser toute la programmation à la dernière minute. Ce qui explique peut-être pourquoi la Carmen d’ouverture de saison joue la carte du minimalisme et de la sobriété. C’est en effet dans un simple cadre noir que se déroule l’histoire de la bohémienne la plus célèbre du monde. Le plateau est occupé par quelques tables et chaises en bois qui suggèrent les différents lieux de l’action. On l’aura compris, on est très loin ici du folklore ibérique et de la carte postale hispanisante. Seul le rideau de scène transformé en éventail (sur lequel sont projetées des images d’une rose perdant peu à peu ses pétales) rappelle l’Espagne, de même que les costumes de lumière du dernier acte. Une telle économie de moyens peut se révéler une excellente idée, surtout pour un opéra qui accumule si souvent les clichés. La mise en scène a été confiée à la chorégraphe Reinhild Hoffmann, figure historique du Tanztheater, à l'instar de Pina Bausch. La patte chorégraphique se voit clairement dans le spectacle, tant les différentes scènes s’enchaînent avec fluidité et naturel, et tant les mouvements sont réglés avec précision. Si aucune idée forte ne se dégage véritablement, on n’en est pas moins séduit par l’épure extrême des lignes et l’esthétisme des tableaux d’ensemble, qui donnent une grande force à cette production.


Comme dix représentations sont programmées en un court laps de temps, deux distributions alternent dans cette Carmen genevoise. Et comme cela arrive parfois, la seconde distribution offre de belles surprises, allant jusqu’à surpasser la première. Dans le rôle-titre, Héloïse Mas (qui interprète Mercédès dans la première distribution, ce qui est en soi un exercice de style) est une révélation. Elle incarne une Carmen élégante et distinguée, un brin hautaine mais néanmoins sensuelle, sachant exactement ce qu’elle veut, avec une belle voix grave et sombre ainsi qu’une diction parfaite. Son Don José est interprété par le ténor ukrainien Sergej Khomov. Si, en début de soirée, la voix paraît un peu étriquée dans les aigus et un léger vibrato se fait sentir, le chanteur prend de l’assurance au fil de la représentation pour délivrer le célèbre « La fleur que tu m’avais jetée » tout en délicatesse et en nuances. Au dernier acte, il sait se faire ardent et passionné pour tenter de reconquérir Carmen. Micaëla a les traits d’Adriana González, voix ronde et pleine, au lyrisme exacerbé. Ildebrando D’Arcangelo est un Escamillo tout d’une pièce, avec une voix excessivement grossie et sans nuances, même si le chanteur a la prestance et l’aura du toréador. Les rôles secondaires, composés essentiellement de jeunes chanteurs francophones, sont excellents : parfaitement crédibles dans leur personnage, totalement à l’aise vocalement et compréhensibles, à l’instar de Carine Séchaye en Mercédès, Melody Louledjian en Frasquita, Ivan Thirion en Dancaïre, Rodolphe Briand en Remendado ou encore Jérôme Boutillier en Moralès, lequel fait forte impression. On ne peut malheureusement pas en dire autant du Zuniga de Martin Winkler, dont l’accent allemand à couper au couteau est particulièrement pénible. On s’étonne que la direction du Grand Théâtre, qui a opté pour la version avec dialogues plutôt que pour celle avec récitatifs, n’ait pas été plus attentive à cet aspect, d'autant que Genève est une ville francophone. Pour terminer sur une note positive, il convient de saluer la remarquable prestation de l’Orchestre de la Suisse Romande dans la fosse, sous la direction de John Fiore. Les musiciens font entendre une Carmen tonique et dynamique, au rythme enlevé et à la tension dramatique jamais relâchée, une Carmen éclatante, alternant lyrisme et drame, lignes soyeuses et aspérités, et révélant de nombreux détails instrumentaux insoupçonnés.



Claudio Poloni

 

 

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