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La Genèse selon Gustav Mahler

Berlin
Philharmonie
09/06/2018 -  et 18, 19, 20 (janvier), 24 août (Lenox), 2 (London), 8 (Leipzig), 10 (Wien), 13 (Luzern), 15 (Paris) septembre 2018
Gustav Mahler : Symphonie n° 3 en ré mineur
Susan Graham (mezzo)
GewandhausKinderchor, Frank-Steffen Elster (chef de chœur), Damen des GewandhausChores, Gregor Meyer (chef de chœur), Boston Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction)


S. Graham, A. Nelsons (© Kai Bienert/Mute Souvenir)


Gustav Mahler (1860-1911) est un compositeur particulier pour Andris Nelsons dans la mesure où c’est avec lui, en quelque sorte, qu’il a rencontré pour la première fois l’Orchestre symphonique de Boston dont il est le directeur musical depuis la saison 2014-2015, son mandat ayant même été prolongé jusqu’à la saison 2021-2022: il s’agissait d’une Neuvième Symphonie donnée en concert à New York, au Carnegie Hall, au mois de mars 2011.


Il fallait ce soir une scène suffisamment vaste pour accueillir un orchestre comme celui de Boston au grand complet (neuf contrebasses, neuf cors, deux jeux de timbales...) ainsi que deux chœurs, l’un d’enfants et l’autre de femmes, ce dernier changeant d’ailleurs à chaque étape de la tournée du Boston Symphony Orchestra entamée lors des Proms londoniens le 2 septembre dernier et qui s’achèvera à Paris dans un peu plus d’une semaine. Après une Résurrection qu’il a dirigée cet été à la tête des Wiener Philharmoniker lors du Festival de Salzbourg (symphonie qu’il donnera d’ailleurs avec les Berliner Philharmoniker cette fois-ci, à la mi-décembre 2018), voici la tout aussi grandiose Troisième Symphonie qui aura de nouveau prouvé les affinités de Nelsons avec le compositeur autrichien.


Dès l’entrée du premier mouvement, les neuf cors imposent un climat grandiose dans lequel détails orchestraux (la grosse caisse, le cor anglais, la clarinette en mi bémol) s’insinuent avec délectation sans que, pour autant, Andris Nelsons n’oublie la grande architecture de ce mouvement en forme sonate au terme duquel le public fut véritablement assommé. Nelsons fit montre d’une souveraine maîtrise dans ce Kräftig. Entschieden de plus d’une demi-heure où se distinguèrent en particulier Thomas Rolfs à la trompette solo (qui tenait également la partie de cor de postillon dans le troisième mouvement) et Toby Oft au trombone solo. Les spectateurs furent véritablement transportés par cette jubilation orchestrale aux couleurs multiples: une réussite en soi. Après un deuxième mouvement interprété, comme le souhaitait d’ailleurs Mahler lui-même, de façon insouciante («insouciant comme seules les fleurs peuvent l’être» écrivait-il) à l’image d’un Ländler, le troisième mouvement offrit de merveilleux moments de rêverie lorsque, notamment, le cor de postillon (vraisemblablement placé en coulisses au niveau du deuxième balcon de la Philharmonie) intervient sur un tapis de cordes au velouté irréprochable. Pour autant, on aurait pu bénéficier de timbres parfois plus grinçants (un peu comme on l’entendra dans le deuxième mouvement de la Quatrième Symphonie), plus burlesques voire sarcastiques, la fin nous ayant semblé trop maîtrisée à l’image de deux timbaliers finalement bien sages.


Le quatrième mouvement («Ce que me conte la nuit») fit intervenir Susan Graham, dont le timbre chaud et la déclamation conférèrent aux mots de Nietzsche tout leur sens, tout leur caractère, mêlant à la fois tendresse et recueillement. Les appels du hautbois et du cor anglais n’en paraissaient que plus plaintifs avant que, au contraire, la joie ne prenne le dessus dans le cinquième mouvement (Lustig im Tempo und keck im Ausdruck), où interviennent les deux chœurs requis. Les enfants du GewandhausKinderchor (tout de rouge et de noir vêtus) et les femmes du GewandhausChor (habillées seulement en noir pour ce qui les concerne) furent excellents et, dans leur dialogue avec Susan Graham, illustrèrent parfaitement la félicité voulue, épaulés pour ce faire par des bois d’une précision diabolique. Le dernier mouvement, un Adagio de près d’une demi-heure, est peut-être une des plus belles pages jamais composées par Mahler; c’est dire si nous l’attendions! Et, en fin de compte, on fut un peu déçu par l’approche d’Andris Nelsons qui continua, c’est une option, de privilégier les contrastes au détriment d’une ligne plus retenue, plus fluide, d’aucuns diront plus «statique». Mais l’entrée du hautbois ou le doublement de la flûte par la clarinette ne changèrent pas à eux seuls le climat instauré par des cordes dont on reconnaîtra sans difficulté l’excellence alors que, en d’autres occasions, on a davantage éprouvé cette forme d’alanguissement et d’onde orchestrale sous-jacente. De même, la fin n’explosa pas comme on aurait pu le souhaiter, les timbaliers ne jouant d’ailleurs de leurs baguettes que de façon alternative et non de concert comme on a parfois pu le voir, ce qui contribue pourtant à décupler le caractère grandiose des dernières mesures.


Pour autant, c’est un triomphe qui accueillit Andris Nelsons et ses troupes pour un résultat musical comme on aimerait en entendre tous les soirs: rendez-vous donc est notamment donné le 15 septembre à Paris pour un des concerts les plus attendus de cette nouvelle saison parisienne!


Le site d’Andris Nelsons
Le site de Susan Graham
Le site de l’Orchestre symphonique de Boston
Le site des Chœurs du Gewandhaus de Leipzig



Sébastien Gauthier

 

 

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