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Un mois d’ivresses musicales

Lucerne
Centre de la culture et des congrès
08/17/2018 -  et 19* août 2018
Igor Stravinski : Concerto pour orchestre de chambre « Dumbarton Oaks » – L’Oiseau de feu (version originale de 1909–1910)
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 24 en ut mineur, K. 491

Lang Lang (piano)
Lucerne Festival Orchestra, Riccardo Chailly (direction)


(© Priska Ketterer/Lucerne Festival)


L’édition 2018 du Festival de Lucerne a débuté le 17 août et se terminera le 16 septembre. Comme chaque été, la petite cité helvétique accueillera les orchestres les plus prestigieux et les baguettes les plus réputées, pour un mois d’ivresses musicales dans la magnifique salle conçue par Jean Nouvel, qui reste un modèle du genre. Lucerne demeure sans conteste le plus grand et le plus luxueux des festivals suisses de l’été. Cette année, la musicienne étoile est la violoncelliste Sol Gabetta et le compositeur en résidence Fritz Hauser. Le thème de l’édition 2018 est l’enfance, ce qui permettra d’entendre plusieurs contes, dont L’Oiseau de feu pour le concert d’ouverture ou encore L’Enfant et les sortilèges de Ravel, sous la direction de Simon Rattle.


Riccardo Chailly, directeur musical de l’Orchestre du Festival depuis 2016, fête cette année ses 30 ans de concerts à Lucerne. Le chef italien y a débuté en septembre 1988 et y a donné 46 programmes différents, d’abord avec l’Orchestre royal du Concertgebouw puis avec l’Orchestre du Gewandhaus, avant l’Orchestre du Festival et la Filarmonica della Scala, dont il est aussi directeur artistique. S’il a surtout présenté à Lucerne un répertoire traditionnel (Mendelssohn, Mahler, R. Strauss, Stravinski, Bruckner et Tchaïkovski), il y a aussi dirigé Varèse, Messiaen, Bartók, Webern, Zemlinsky, Nono ou encore Rihm, prouvant, si besoin est, l’étendue de ses affinités musicales.


Depuis son intronisation il y a deux ans, Riccardo Chailly s’est employé à refaçonner l’orchestre créé par Claudio Abbado en 2003. Il a d’abord passablement modifié la liste des musiciens, en faisant notamment appel à des instrumentistes de la Scala, puis en élargissant le répertoire, comme le montre le concert d’ouverture. La soirée a débuté avec la « mise en bouche » qu’est Dumbarton Oaks de Stravinski, une partition pour quinze musiciens. Si la précision et l’homogénéité de la formation de chambre ont fait merveille dans cet ouvrage joyeux et léger qui fait la part belle aux syncopes et aux changements abrupts de rythme, on aurait souhaité davantage de mordant et de relief. Après plusieurs mois d’absence dus à une tendinite de la main gauche, Lang Lang a fait son retour sur scène, dans le Concerto en ut mineur de Mozart. Le pianiste chinois aurait-il profité de cette pause forcée pour prendre du recul ? Toujours est-il qu’il est apparu moins maniéré qu’à l’ordinaire, plus concentré sur son interprétation que sur ses prouesses techniques, beaucoup plus sobre en fin de compte, offrant des moments d’émotion intense, comme si le temps avait suspendu sa marche, avec de superbes pianissimi à peine audibles. Mais ici aussi, on aurait préféré des contours plus nets et francs, qui auraient rendu la partition moins feutrée. L’orchestre n’a rien pu faire non plus pour rendre l’exécution plus incisive. En seconde partie de soirée, L’Oiseau de feu de Stravinski a permis à tous les pupitres de briller. Riccardo Chailly a su parfaitement maîtriser et canaliser le son, sans brutalité ni emportement.


Pour la première fois depuis la création de l’Orchestre du Festival en 2003, des voix discordantes se sont fait entendre dans la presse, jugeant plutôt sévèrement le concert d’ouverture, alors qu’il y a toujours eu unanimité, ou presque, pour louer les prestations de Claudio Abbado. Les concerts de ce dernier à Lucerne avaient quelque chose de magique et de surnaturel. Les musiciens étaient sous le charme du maestro et le public adhérait à ces sortes de messe, avec ferveur et concentration, ne libérant ses applaudissements que bien après le dernier accord. Aujourd’hui, force est de reconnaître que l’orchestre est devenu une formation comme les autres, pour remarquables que soient ses performances, et les concerts n’ont plus l’aura des débuts. C’est dans l’ordre des choses, mais certains ont du mal à l’accepter et spéculent déjà sur un éventuel nouveau chef. Succéder à Claudio Abbado a été une gageure, il faut savoir gré à Riccardo Chailly d’avoir accepté ce pari impossible.



Claudio Poloni

 

 

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