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Petrenko fait jubiler Mahler

München
Nationaltheater
05/28/2018 -  et 29* mai (München), 1er juin (London) 2018
Gustav Mahler : Symphonie n° 7 en mi mineur
Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko (direction)




Si l’Orchestre de l’Opéra de Munich, spécifiquement dénommé Bayerisches Staatsorchester, quand il s’extirpe de sa fosse, reste essentiellement une formation de répertoire lyrique, ses musiciens peuvent se révéler tout aussi brillants dans le domaine symphonique. Ils n’y ont pas la versatilité voire l’appétit de voyages de leurs homologues de l’Opéra de Vienne (à Munich l’intendance est moins riche en musiciens disponibles: quand la phalange A de l’opéra s’en va on ne peut plus programmer grand chose sur place, à part éventuellement un Così fan tutte dégraissé...). Cela dit l’ampleur du répertoire balayé au cours des Akademiekonzerte, donnés dans la salle du Nationaltheater n’a vraiment rien d’exigu. Même cette Septième Symphonie de Mahler, pourtant assez rare au concert en général, a déjà été donnée plusieurs fois ici, dont une dernière exécution en date sous la direction de Tomás Hanus en 2013. Assurément ce sont des soirées symphoniques ambitieuses auxquelles on peut assister dans ce cadre particulier, salle à l’italienne qui nous fait gagner avec le chef une passionnante proximité.


Concert évidemment ausverkauft jusqu’aux derniers strapontins et places debout, puisque c’est Kirill Petrenko qui dirige. L’expectative particulière suscitée par ce petit bonhomme arrivant à pas pressés est perceptiblement électrique : l’attente d’une énergie qui va effectivement se libérer immédiatement, dès le premier accord. On a beau essayer d’en prendre l’habitude l’effet de surprise reste le même à chaque fois : une véritable empoignade. Pourtant cette Septième Symphonie débute de façon bien discrète, avec son rythme scandé aux cordes graves et aux vents, noté double piano. Mais dès cette première mesure de l’exécution tout est déjà en place : le climat, la tension, le début d’une architecture... Ensuite la progression rhapsodique de ce long premier mouvement intrigue, comme si l’on assistait à des sortilèges inexplicables. Petrenko parvient à préserver un continuum logique au fil des pages et à garder simultanément une attention à chaque détail, mis en valeur en tant que tel à l’exacte place qu’il doit occuper dans la hiérarchie. Certes la splendeur sonore de la formation bavaroise est infailliblement au rendez-vous, mais ce qui fascine le plus c’est bien cette aptitude de Petrenko à « jouer de l’orchestre », comme s’il s’agissait d’un instrument capable de répondre à la plus subtile impulsion de ses doigts.


Une telle magie des dosages nous fera vivre des mouvements lents idylliques, ces Nachtmusiken I et II si difficiles à équilibrer, avec leurs ombres qui ne doivent paraître ni sinistres ni trop légères. Ici Petrenko parvient vraiment à trouver le compromis idéal : des féeries d’une lisibilité instrumentale incroyable (mandoline et guitare ne disparaissent jamais sous les autres timbres) toujours nimbées d’un rien d’ironie subtile, de détachement verlainien. Entre les deux, le caustique Scherzo, marqué mystérieusement par Mahler « Schattenhaft », exploré d’une baguette bondissante, tourbillonne comme une danse fantastique, conforme à la vibrionnante chorégraphie dont s’acquitte Petrenko sur son podium, gestique très riche mais sans aucun caractère démonstratif ou artificiel. L’orchestre nous fait visiter scrupuleusement cette musique extraordinairement riche en effets ponctuels, mais sans jamais donner l’impression d’une suite d’événements sur lesquels on serait obligés de s’appesantir un à un (en ce sens le Mahler de Petrenko paraît à 100 % antithétique de celui d’un Rattle, pas moins génial parfois mais toujours exposé à la tentation d’un morcellement délétère). Incroyable final aussi, dont les tutti peuvent facilement tourner à la kermesse bavaroise façon Maîtres chanteurs de Nuremberg, mais où Petrenko évite un à un tous les pièges d’une jubilation trop extérieure. Des rutilances à la Richard Strauss aèrent la masse orchestrale, le Mozart tintinnabulant de L’Enlèvement au sérail n’est pas loin non plus : tous les grands fantômes munichois sont bien là.


Concert extraordinaire, salué par une ovation géante que l’orchestre et son chef magicien accueillent avec humilité. Vivat Petrenko!


Laurent Barthel

 

 

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