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Strasbourg
Palais de la musique et des congrès
05/31/2018 -  et 1er* juin 2018
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 9 en ré mineur, opus 125
Valda Wilson (soprano), Valentina Kutserova (mezzo-soprano), Marc Heller (ténor), Luca Pisaroni/Florian Boesch* (basse)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)




Pour cette ultime étape du cycle Beethoven qui a longuement occupé Marko Letonja et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg tout au long de la saison 2017-2018 (voir ici, ici, ici, ici et ici), il n’y a pas cette fois d’œuvre musicale contemporaine juxtaposée. Un effet qu’on aurait pourtant pu envisager, même avec l’encombrante Neuvième Symphonie au programme (citons par exemple Tableau de Lachenmann, étonnante mise en bouche osée par Simon Rattle il y a quelques années avant un monument mahlérien, ou encore, c’est plus vieux mais redoutablement efficace, Un survivant de Varsovie de Schoenberg...). Mais trêve de spéculations et place ici à la fête toute simple, l’apothéose d’une saison, où on ne sera en rien déçu.


Sur les gradins, c’est le Chœur de l’Orchestre de Paris qui prend place. Un peu inattendu si l’on n’est pas encore tout à fait au courant de la récente procédure de divorce entre l’Orchestre de Strasbourg et son propre chœur d’amateurs de haut niveau, toujours dirigé par Catherine Boltzinger mais sommé désormais de se forger une complète indépendance. La formation parisienne a déjà chanté l’ouvrage avec l’Orchestre de Strasbourg et Marko Letonja la saison dernière à la Philharmonie de Paris, ceci explique aussi cela... Au premier plan, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg évidemment en effectif fourni, avec les bois par quatre, mais sans pour autant susciter l’impression de surpeuplement indigeste que l’on éprouvait à Baden-Baden avec Simon Rattle. Assurément, cela dit, ce sera là et c’est sensible dès le tout début, une Neuvième symphonie de Beethoven « à l’ancienne », terme qui n’est paradoxalement plus du tout synonyme aujourd’hui d’« historiquement informé » mais bien plutôt d’ancrage dans le sillage lointain d’un Klemperer ou d’un Furtwängler. Marko Letonja n’a pas eu le temps évidemment, de peaufiner une telle exécution comme on peut le faire pour un enregistrement discographique prémédité. Ce qui importe ici, plus que tel ou tel détail, c’est une impression d’ensemble, un sens de l’avancée grandiose, une vibration humaine. Et sur tous ces points on est comblé.


Tout particulièrement dans un Adagio où chaque phrase se pose avec une rare évidence. On pense là irrésistiblement au Klemperer ultime, celui qui demandait à ses musiciens du New Philharmonia d’une voix épuisée mais sans réplique possible : « Jouez-moi et faites-moi vraiment entendre toutes les notes, s’il vous plaît, pas juste les principales. » Beethoven investi comme ça, c’est tout simplement sublime, et on avait juste tendance à un peu l’oublier ces derniers temps. Autre immense temps fort : le Finale, et là c’est encore plus remarquable car le monument peut vite se révéler rétif, mal écrit pour les voix, emphatique, voire pour certains le maillon faible de cette symphonie. Diaghilev et Stravinsky avaient pris l’habitude de sortir ostensiblement de la salle avant ce dernier mouvement, à chaque concert où ils étaient venus l’écouter, une façon certes mondaine et agaçante, mais aussi assez respectable d’un certain point de vue, de marquer une vraie désapprobation face à la trivialité à venir. Or ce soir ces deux-là auraient assurément eu tort, car Marko Letonja parvient à tout unifier avec une maestria remarquable, y compris même les marches militaires, les tambours, les fifres, le pandémonium humaniste, bref tout ce bazar post-napoléonien manié à la truelle par un sourd, qui peut faire froncer du nez quand les dosages sont hasardeux. Rien de tel ici, grâce à un quatuor de solistes à toute épreuve où seul le ténor paraît un peu aux limites de ses moyens (mais résiste cependant, malgré les terribles tensions d’une écriture décidément impossible). Grâce aussi à un chœur magnifique, rigoureusement préparé par Lionel Sow, dont la tenue des sopranos en remontrerait à plus d’un ensemble professionnel. Et grâce enfin à la puissance démiurgique du chef, qui démontre à l’envi dans la coda qu’il possède vraiment un « bras » exceptionnel, un engagement physique qui peut déplacer des montagnes. Immense soirée, qui conclut magnifiquement un cycle courageux, pari qui n’était de loin pas gagné d’avance.


Nouvelle importante, déjà largement diffusée, mais que l’on rappelle ici avec grand plaisir : Marko Letonja vient de signer un nouveau contrat avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, ce qui va prolonger son mandat de trois années supplémentaires. Gaudeamus igitur!



Laurent Barthel

 

 

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