About us / Contact

The Classical Music Network

Zurich

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Quand les clowns forcent le destin

Zurich
Opernhaus
05/27/2018 -  et 30 mai, 2*, 7, 10, 13, 17, 20, 28 juin 2018
Giuseppe Verdi : La forza del destino
Hibla Gerzmava (Donna Leonora), George Petean (Don Carlo di Vargas), Marcelo Puente (Don Alvaro), J’Nai Bridges (Preziosilla), Christof Fischesser (Il Marchese di Calatrava, Padre Guardiano), Gezim Myshketa*/Ruben Drole (Fra Melitone), Jamez McCorkle (Mastro Trabuco)
Chor der Oper Zürich, Janko Kastelic (préparation), Philharmonia Zürich, Fabio Luisi (direction musicale)
Andreas Homoki (mise en scène), Hartmut Meyer (décors), Mechthild Seipel (costumes), Franck Evin (lumières), Kinsun Chan (chorégraphie), Kathrin Brunner (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Dès les premières mesures de l’Ouverture, les choses sont claires : la nouvelle production de La Force du destin à l’Opernhaus de Zurich vaut surtout pour la direction musicale de Fabio Luisi. Le chef italien offre une superbe exécution du chef-d’œuvre de Verdi, particulièrement contrastée et dynamique, riche en couleurs et en nuances, avec un sens évident du théâtre. Durant les trois heures de musique, jamais la tension dramatique ne faiblit. Et même dans les passages « fortissimo », l’orchestre sait se faire clair et transparent, laissant entendre des détails insoupçonnés. Si tous les musiciens sont dignes d’éloges, il convient néanmoins de relever la remarquable prestation des souffleurs. Le chœur fournit, lui aussi, une très belle démonstration de précision et d’homogénéité.


La distribution vocale est dominée par la magnifique Leonora de Hibla Gerzmava. Pour sa prise de rôle et ses débuts à Zurich, la soprano russe s’offre un coup de maître : la voix est ample et majestueuse, remplissant sans peine l’auditoire de l’Opernhaus, homogène sur toute la tessiture, avec des extrêmes aigus parfaitement négociés et des graves percutants. La chanteuse livre également de splendides pianissimi. L’Alvaro de Marcelo Puente ne se hisse pas aux mêmes sommets : si le ténor possède un timbre métallique et des accents ardents idéaux pour le rôle, le vibrato est par contre particulièrement gênant et les aigus sont souvent serrés et forcés. George Petean convainc davantage en Don Carlo de Varga, avec un beau legato et un chant solide, même si manquant parfois d’envergure et d’intensité. En marquis de Calatrava puis en Padre Guardiano, Christof Fischesser propose une incarnation noble et un chant sonore et bien projeté. Dans les rôles secondaires, J’Nai Bridges en Preziosilla, Gezim Myshketa en Fra Melitone et Jamez McCorkle en Mastro Trabuco brillent essentiellement par leur homogénéité et leur présence scénique.


La mise en scène d’Andreas Homoki laisse perplexe. Il faut dire, à la décharge du directeur de l’Operhnaus, que La Force du destin n’est sûrement pas l’ouvrage de Verdi le plus facile à représenter. La complexité de la tâche vient essentiellement du caractère hybride de l’œuvre, qui alterne tragique et comique. Andreas Homoki n’y va pas par quatre chemins et fait glisser l’ouvrage vers le grotesque. Ainsi, les choristes, habillés de noir, sont maquillés comme des clowns et portent des cravates et des perruques orange. Le plateau, recouvert de rayures blanches et rouges, est occupé au centre par un immense cube qui s’ouvre et se renferme. Durant l’Ouverture, les trois personnages secondaires, Preziosilla, Fra Melitone et Mastro Trabuco, eux aussi habillés en clowns, sont les premiers à entrer sur scène, jouant ici un rôle majeur : ce sont eux qui tirent les ficelles de l’intrigue, qui incarnent en quelque sorte le destin des autres protagonistes, en les acculant par exemple contre le cube, en les invitant à faire tel ou tel mouvement ou encore en leur refusant l’accès à telle ou telle partie de la scène. Leonora, Alvaro, Don Carlo et le marquis, vêtus d’habits sombres intemporels, sont un peu leurs marionnettes. L’autre idée maîtresse d’Andreas Homoki, c’est de confier les rôles du marquis et de Padre Guardiano au même chanteur, qui garde les mêmes vêtements : Leonora devient ainsi obsédée par le décès de son père, qu’elle croit revoir à tout moment. De bonnes idées, mais dont la réalisation scénique ne convainc guère, surtout en raison du caractère grotesque donné à l’œuvre, comme si La forza del destino pouvait se résumer à un numéro de cirque. Dans ces conditions, mieux vaut fermer les yeux et se concentrer sur la musique et le chant.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com