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Beethoven grande manière

Strasbourg
Palais de la Musique
05/17/2018 -  et 8 mai 2018
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 8 en fa majeur, opus 93, et n° 7 en la majeur, opus 92
Peter Eötvös : Speaking Drums, sept poèmes pour percussion et orchestre

Martin Grubinger (percussion)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


M. Grubinger (© Peter Meisel)


« Apothéose du rythme » titre l’affiche. Concédons que si cette récente manie strasbourgeoise de trouver un intitulé ronflant voire décalé pour chaque concert est un peu agaçante, cette fois-ci elle tombe pile. Entre le métronome caché dans la Huitième Symphonie de Beethoven, l’apothéose de tout ce qu’on peut imaginer de motorique et chorégraphique dans la Septième du même, et en prime la frénésie inépuisable du percussionniste Martin Grubinger dans le Concerto « Speaking Drums » de Peter Eötvös, il y a en effet de quoi faire...


Petit spectacle à l’intérieur du spectacle, l’installation sur scène de l’instrumentarium de ce Speaking Drums est en soi un joli déménagement. Il faut évacuer quantité de pupitres et de chaises afin de laisser suffisamment d’espace disponible à l’avant du plateau, pour le soliste et ses nombreux portants d’instruments. Dans le rapide ballet des garçons d’orchestre se glisse d’ailleurs la silhouette discrète de Martin Grubinger en personne, qui tient à vérifier que tout est installé correctement et au bon endroit. Le podium de Marko Letonja s’en retrouve refoulé à l’arrière, plus très visible, devant un orchestre de taille réduite. De toute façon, l’« accompagnement » de ce concerto particulier a surtout des allures de faire-valoir, rôle dont Eötvös l’extirpe assez rarement. Et plus curieusement, pour un compositeur qu’on estime beaucoup d’habitude, l’inspiration y paraît aux abonnés absents. On a l’impression d’un ouvrage bâclé, écrit sur mesure pour les capacités physiques particulières d’un soliste dont la virtuosité voire le sens de l’épate, aux limites du spectacle de cirque, phagocytent une grande part de l’intérêt musical de la chose. Et qu’il s’agisse de surcroît de « sept poèmes », en hongrois et sanscrit, que le soliste doit proférer lui-même par bribes hurlées, tout en tapant sur ses instruments, ne change pas grand chose à l’affaire. D’ailleurs, en matière de langues étrangères, il pourrait s’agir en fait de n’importe quoi, à commencer par du japonais, langue dont ces fréquentes (et plutôt hilarantes) éructations de samouraï grincheux paraissent se rapprocher bien davantage.


Ouverture de concert joyeuse, avec l’optimiste Huitième Symphonie de Beethoven, interprétée de façon vraiment convaincante par Marko Letonja. On apprécie en particulier la fermeté que le chef slovène parvient à imprimer aux masses sonores en mouvement, grâce à une gestique à la fois claire et puissante. Il y a là une véritable implication physique, une façon de porter l’orchestre au dépassement, de le stimuler dans une recherche d’investissement maximal dans le son et les phrasés, qui incitent au respect. En tout cas le résultat est là : une interprétation qui s’impose avec une certaine grandeur « à l’ancienne », ce qui veut dire aussi, en l’occurrence, qu’elle ne se préoccupe guère de concepts historiquement informés. En l’état, cela fonctionne superbement, avec pour rançon parfois une certaine compacité de la matière orchestrale, qui rend moins lisibles qu’ailleurs (mais dans ce cas c’est souvent au disque seulement, avouons-le), les voix intermédiaires du quatuor.


On attendait vraiment beaucoup ensuite de la Septième Symphonie, dont il nous reste un très grand souvenir antérieur, déjà par les mêmes à Strasbourg, mais en 2014, alors que Marko Letonja débutait encore dans son mandat. Cette exécution-ci reste un rien en deçà, comme si une certaine flamme s’était un peu atténuée, mais il est vrai que le propre des miracles est de ne pas se reproduire à l’identique, du moins en principe. Cette fois, avec les bois par quatre, l’option est délibérément celle d’une grande symphonie. Très belle introduction, grand portique comme on les aime, suivi d’un Allegro au tempo assez exubérant. Andante très bien posé, peut-être au tempo en deçà d’une coche de ce que l’on pourrait proposer pour donner à cette musique son allant très spécifique. Et surtout un Finale qui retrouve un rythme décent, a contrario du pari de célérité insensée (et douloureusement loupé) tenté récemment par Simon Rattle à Baden-Baden. Les cordes, vraiment le point fort de l’orchestre actuellement, s’en tirent avec les honneurs et la petite harmonie, réduite forcément dans ce mouvement à des taches de couleur plus fugaces, peut quand même respirer à l’aise. Au delà des propositions hystériques de tous ordres qu’on peut nous y asséner ailleurs, la vérité de cette symphonie nous semble quand même bien davantage se trouver dans ce type d’équilibre.



Laurent Barthel

 

 

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