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Une Italienne vamp et provocatrice

Salzburg
Haus für Mozart
05/18/2018 -  et 20* mai 2018
Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri
Cecilia Bartoli (Isabella), Peter Kalman (Mustafà), Edgardo Rocha (Lindoro), Alessandro Corbelli (Taddeo), José Coca Loza (Haly), Rebeca Olvera (Elvira), Rosa Bove (Zulma)
Philharmonia Chor Wien, Walter Zeh (préparation), Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction musicale)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières), Etienne Guiol (vidéo), Christian Arseni (dramaturgie)


(© Salzburger Festspiele/Monika Rittershaus)


La prise de rôle de Cecilia Bartoli dans L’Italienne à Alger de Rossini était attendue depuis longtemps. Depuis le début de sa carrière en fait, il y a près de 30 ans. Après Rosine du Barbier et Cendrillon, on pensait que la célèbre chanteuse allait aborder Isabella. Mais elle a alors choisi de se tourner vers le répertoire baroque. Il aura donc fallu patienter jusqu’au 150e anniversaire de la disparition du compositeur de Pesaro pour qu’elle se lance dans l’aventure, à l’occasion de l’édition 2018 du Festival de Pentecôte de Salzbourg, dont elle est directrice artistique depuis 2012. Le résultat est une réussite : Cecilia Bartoli fait de l’héroïne de Rossini une femme moderne et émancipée, qui n’a peur de rien, surtout pas du sultan, sûre d’elle et de ses charmes, avec un côté vamp et provocateur qu’elle prend visiblement beaucoup de plaisir à jouer. Il faut la voir se prélasser dans un bain de mousse devant un Mustafà médusé ! Vocalement, c’est un feu d’artifice, avec une technique hors pair, des vocalises parfaitement négociées et un sens incroyable des nuances, dont des pianissimi qui sont devenus en quelque sorte la marque de fabrique de l’artiste. On peut certes regretter que cette prise de rôle arrive un peu tard, car le grave a perdu de son mordant, mais ce léger bémol ne doit pas occulter une magnifique prestation par ailleurs.


Pour la mise en scène, la directrice a fait appel au duo Moshe Leiser-Patrice Caurier, pour la quatrième fois à Salzbourg. L’Italienne à Alger est bien évidemment un opéra bouffe et les metteurs en scène en font une comédie ; le public rit d’ailleurs beaucoup. Mais le tandem use et abuse de gags, pas toujours des plus fins au demeurant, au point que la réalisation scénique empêche parfois de se concentrer pleinement sur la musique. L’action est transposée dans un Alger moderne et bariolé, avec des antennes paraboliques et de la lessive aux fenêtres, un Alger où règne Mustafà devenu chef d’un clan de contrebandiers en survêtements de sport. Pendant l’Ouverture, Elvira, au lit avec son mari de sultan, essaie de ranimer la flamme de ce dernier, en vain. Elle n’y parviendra pas même en s’improvisant danseuse du ventre. Isabella arrive perchée sur le dos d’un (faux) chameau, son entrée en scène est déjà un spectacle en soi ; les Italiens faits prisonniers sont ici une équipe de footballeurs. Et la dernière image de la soirée rappelle immanquablement Titanic, avec Isabella à la proue du bateau qui la ramène en Italie, Lindoro, derrière elle, la serrant fermement dans ses bras.


Cecilia Bartoli s’est entourée de collègues chanteurs avec lesquels elle a l’habitude de travailler. On citera en premier lieu Edgardo Rocha, splendide Lindoro au legato exemplaire et au phrasé délicat, sans parler de ses aigus rayonnants. En Taddeo tour à tour drôle et émouvant, Alessandro Corbelli fait preuve non seulement d’une ligne de chant solide et homogène, mais aussi d’indéniables talents d’acteur. Peter Kalman incarne, pour sa part, un Mustafà inénarrable, bedonnant et ridicule à souhait, même si la voix se fait souvent rocailleuse. Il convient de citer aussi les belles prestations de José Coca Loza en Haly et de Rebeca Olvera en Elvira. A la tête de son Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi offre une lecture précise et raffinée de la partition, mais un brin trop sage, sans le pep et la légèreté associés à Rossini. A noter que le spectacle sera repris cinq fois en août, à l’occasion du Festival d’été. Et l’année prochaine, Cecilia Bartoli reviendra à son autre compositeur de prédilection, Haendel, avec Alcina.



Claudio Poloni

 

 

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