About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Chemin verglacé

Paris
Théâtre du Châtelet
09/24/2001 -  27*, 30 septembre
Franz Schubert : Winterreise
Jessye Norman (soprano)
Mark Markham (piano)
Robert Wilson (mise en scène, scénographie, lumières), Yves Saint Laurent (costumes)

Marotte épargnant les autres cycles schubertiens, mettre en scène Le Voyage d'hiver conduit au pire à le plomber de concepts extérieurs, au mieux à ne pas le contrarier. Le travail de Bob Wilson, qu'on aurait pu décrire avant même de l'avoir vu (quant à la robe YSL, elle en rappelle furieusement une autre portée par Miss Norman dans Erwartung au Met), se rattache heureusement à la deuxième catégorie. Dégradés de bleus d'une beauté toujours hypnotique, et parfois génialement en phase avec les modulations harmoniques du texte musical, défilé de machins pendouillant des cintres qui très vite dérangent à peine, gestuelle épurée convenant merveilleusement à la majesté naturelle de l'interprète. Le refus d'une dramaturgie causale laisse de surcroît libre l'imaginaire du spectateur dans cette œuvre dont le protagoniste gagne à rester ouvert à toute projection. Ce qui ne doit pas l'amener à abdiquer l'immédiateté émotive et psychologique pour devenir aussi lisse qu'une statue de marbre, travers dans lequel tombe souvent Jessye Norman, mal servie en cela par un pianiste au tempo sépulcral et au phrasé raidasse, en dépit d'une subtilité de palette parfois frappante (Die Krähe et les ultimes lieder). Le plus pénible demeure toutefois l'état vocal de la chanteuse, confrontée à une tessiture qui s'avère, pour un soprano, très centrale (Lotte Lehmann est l'une des rares à avoir pleinement convaincu, dans ses extraordinaires enregistrements Columbia de 1940 - 1941). Si le chant syllabique lui permet d'émettre les sons avec leur splendeur d'antan (mais les mots manquent de relief), les longues phrases lyriques à cheval sur les registres accusent à la fois les limites du souffle et le trou d'un médium incertain. L'intonation en conséquence vacille, avec un résultat à la limite du supportable durant la première partie de la soirée, malgré un éclat subit et magnifique sur les exclamations dans le grave d'Auf dem Flusse. A partir du Corbeau, la voix cependant semble chauffée, et l'artiste dispense à nouveau quelques instants de magie, même si la tentation de se réfugier dans une mezza voce susurrée revient à l'occasion. Nebensonnen et le Leiermann prennent alors à la gorge par la variété infinie de leurs couleurs sublimes et d'une construction dynamique incroyablement fine, la puissance expressive enfin conquise et la noblesse d'un phrasé sûr comme aux jours où Jessye Norman aurait dû se consacrer intensivement à ce cycle.


Vincent Agrech

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com