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Perplexité

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Opéra national du Rhin
03/22/2018 -  
Mélodies de Reynaldo Hahn, Fernando Obradors, Benjamin Kahn & Judith Charron, negro spirituals, et chansons populaires d’Afrique du Sud.
Claude Debussy : L’Isle joyeuse

Pumeza Matshikiza (soprano), Paul Montag (piano)


P. Matshikiza (© Decca Classics )


On ne présente plus Pumeza Matshikiza, soprano d’origine sud-africaine dont la presse people et l’internet se sont chargés de propager longuement la belle histoire. Deux récitals discographiques favorablement accueillis ont par ailleurs été publiés chez Decca. Naître dans un township défavorisé d’Afrique du Sud et se retrouver trente ans plus tard drapée dans des robes somptueuses sous les sunlights, avec un large public voire des journalistes musicaux influents à ses pieds (« I think I’ve found the new Maria Callas », Michael Tanner dixit), a effectivement tout du conte de fées moderne.


Programme composite, en au moins cinq langues différentes, pour ce récital donné à l’Opéra national du Rhin. On commence par l’italien avec Venezia de Reynaldo Hahn, ou plus exactement le dialecte vénitien, dont l’en-tête de la partition originale donne d’ailleurs quelques consignes de prononciation. Un recueil rarement chanté voire oublié aujourd’hui, de six pastiches populaires d’humeur légère. A noter que la dernière mélodie fait en principe appel à un effectif plus fourni (soprano, ténor et chœur) et qu’il a donc fallu quelque peu l’adapter. La voix de Pumeza Matshikiza surprend d’emblée par ses couleurs chaudes, beaucoup plus proches d’un mezzo que d’un soprano. L’octave supérieure paraît certes présente mais comme estompée, voire d’un accès problématique. Dès la deuxième mélodie, avec un curieux souffle d’air qui passe sur le timbre dans les vocalises pianissimo, s’installe une indéfinissable sensation de malaise, une impression de technique vocale complètement fabriquée. Et puis surtout toutes ces mélodies imposent d’être empoignées avec un art consommé de la comédie, or ici l’interprète n’en tire pas grand-chose. L’approche est appliquée, uniforme, gentiment calée sur ces rythmes de barcarolle, et quelques aigus, pourtant pas spécialement exposés, sonnent bizarrement faux.


Les canciones espagnoles qui suivent vont-elles mieux convenir ? Pas vraiment. Dans les sept petites pièces d’Obradors, les couleurs pourtant généreuses de la voix ne fonctionnent pas bien, même quand elles pourraient servir à faire vibrer les quelques brèves tentatives de cante jondo contenues dans la partition. Et puis l’aigu, malheureusement, diverge de plus en plus, soutenu beaucoup trop bas. Poliment, le public applaudit entre CHAQUE mélodie, ce qui tue de toute façon dans l’œuf toute possibilité d’établir une atmosphère à plus large échelle.


Intérêt particulier avec les chansons sur des textes japonais qui ouvrent la seconde partie ? On note que ce concert fait partie aussi de la programmation du Festival Arsmondo de l’Opéra du Rhin : plus d’un mois d’une programmation très riche autour de la culture japonaise. Malheureusement l’écriture musicale de Benjamin Kahn & Judith Charron paraît bien banale voire plate (avec une exception pour la deuxième mélodie, jolie trouvaille mélodique qui pourrait en faire un parfait showstopper à Broadway). On n’est pas tout à fait hors sujet, car la vraie chanson japonaise abuse elle aussi assez volontiers du sirop, mais quand-même, d’aussi beaux textes poétiques appelleraient une expression plus allusive et dépouillée. Et du côté de la pauvre Pumeza Matshikiza, confrontée à une écriture vocale qui pourtant paraît relativement accessible, c’est l’effondrement total. La ligne de chant s’effrite en lambeaux, les aigus se délitent... une vraie souffrance !


Passons sur des negro spirituals sans aura (l’épisode est d’ailleurs abrégé : Amazing grace, pourtant annoncé sur le programme, passe mystérieusement à la trappe...) pour en arriver à quatre mélodies populaires sud-africaines. Là aussi les harmonisations affadissent le propos mais évidemment l’utilisation pour les deux dernières mélodies d’une langue dite « à clics » où certaines consonnes sont accompagnées d'un claquement de langue très particulier, produit un certain effet. En bis, A Chloris de Reynaldo Hahn paraît timide, beaucoup plus timoré qu’au disque.


Ce récital doit beaucoup à Paul Montag, accompagnateur souple et doté d’une large palette de nuances. Un moment la diva s’efface pour lui laisser gérer seul une Isle joyeuse de Debussy techniquement impeccable, dont les difficultés digitales sont assumées tout en gardant un sens irréprochable de la progression dynamique.



Laurent Barthel

 

 

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