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Pour Chostakovitch

Paris
Philharmonie
02/19/2018 -  et 15, 16 (Amsterdam) 18 (Luxembourg), 20 (Madrid), 21 (Lisboa) février 2018
Max Bruch : Concerto pour deux pianos, opus 88a
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 5, opus 47

Katia et Marielle Labèque (piano)
Koninklijk Concertgebouworkest, Semyon Bychkov (direction)


S. Bychkov (© Chris Christodoulou)


Depuis l’ouverture de la Philharmonie de Paris, l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam est régulièrement de passage à Paris avec des chefs invités fidèles à cet ensemble hors du commun. Ce soir à Paris, c’était au tour de Semyon Bychkov dans un programme associant Max Bruch à Dimitri Chostakovitch.


Le Concerto pour deux pianos de Bruch est une rareté au concert comme au disque, même si Semyon Bychkov l’a déjà gravé avec l’Orchestre Philharmonia dans les années 1990. Cette œuvre, composée et créée en 1912, fut redécouverte par hasard en 1971 avant de vivre alors une seconde jeunesse. Mais à l’écoute, on comprend assez vite pourquoi ce concerto, un peu hybride, n’a jamais atteint la célébrité du Premier Concerto pour violon, un des tubes du répertoire. Débutant par un accord plaqué aux pianos, puis par une fugue dans l’esprit de Bach, il évoque ensuite Schumman puis Liszt, voire de manière plus surprenante Elgar, mais sans vrai style. L’accompagnement délicat que construit Bychkov est souvent en décalage avec le jeu de Katia et Marielle Labèque, toujours aussi cru, voire brutal. La coordination entre les deux sœurs est d’ailleurs à plusieurs reprises en défaut comme l’est aussi, mais en de rares moments, la synchronisation avec l’orchestre.


Changement complet d’ambiance avec la Cinquième Symphonie de Chostakovitch, sans doute la plus célèbre du compositeur soviétique. On connaît les affinités de Bychkov avec ce compositeur qu’il pratique régulièrement et qu’il avait fait entrer au répertoire de l’Orchestre de Paris lorsqu’il en était le directeur de 1989 à 1998. Il le jouera probablement aussi à la Philharmonie tchèque dont il prendra, à 65 ans, la direction en septembre prochain.


Bychkov réussit dès les premières mesures à imposer un silence presque pesant au public de la Philharmonie de Paris, trop souvent bruyant, et qui semble ce soir comme en apesanteur. Il faut dire que sa lecture tendue, abrupte mais jamais sèche, tantôt lumineuse, tantôt quasi morbide, impressionne et captive de bout en bout. Cette tension de chaque seconde est aussi liée à l’engagement du chef, qui termine le concert épuisé, et à celui, tout aussi exceptionnel, des musiciens du Concertgebouw, qui prennent de formidables risques en termes de nuances et de contrastes. Les quatre mouvements sont bien caractérisés, mais en restant en correspondance, même si les climats y sont très différents. L’Adagio est une merveille de tension, presque de suspense, aux limites de l’insoutenable, comme pour illustrer l’oppression inhérente à cette musique.


Tout au long de cette exécution, le Concertgebouw d’Amsterdam est fidèle à sa réputation d’excellence. La trompette solo réussit d’incroyables nuances, le hautbois lyrique d’Ivan Podyomov ravit à chacune de ses interventions comme le basson unique de Gustavo Núnez. Et la timbale hors du commun de Nick Woud, enflamme le dernier mouvement avec une impressionnante maîtrise. Mention également aux deux harpistes et au célesta, en osmose complète dans une fin du troisième mouvement véritablement suspendue. Quel dommage que Bychkov n’enchaîne pas de suite avec le final, car les tousseurs se sentent alors obligés de se manifester. Le choix du bis, «Nimrod» des Variations «Enigma» d’Elgar, étonne aussi après une telle musique, à moins que ce ne soit un clin d’œil à Bruch...


Mais ce ne sont que détails dans une seconde partie de concert exceptionnelle qui fait oublier une première pas à la hauteur. Cet Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, impérial ce soir, est décidément unique. Et Bychkov n’a jamais autant paru dans son élément.



Gilles Lesur

 

 

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