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Le bouleversant Requiem humaniste d’un musicien engagé

Paris
Cité de la musique
02/16/2018 -  
Hans Werner Henze : Requiem
Clément Saunier (trompette), Sébastien Vichard (piano)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


(© Ensemble intercontemporain)


«C’est du toc. Il y a de tout dans cette partition», déclara Boris de Schloezer à la création du Concerto per il Marigny (1956) sous la direction de Rudolf Albert avec le concours d’Yvonne Loriod. N’importe, Henze «l’outsider» – pour reprendre le titre du documentaire que lui a consacré Barrie Gavin (2001) – en verra d’autres... La mort prématurée de l’ami Michael Vyner (directeur du London Sinfonietta) en 1989 incita l’auteur fêté des Bassarides à retravailler cette pièce pour piano et sept instruments dans l’Introitus de ce qui deviendra son Requiem, sous-titré «Neuf concerts spirituels pour piano solo, trompette concertante et orchestre de chambre». Créée par le London Sinfonietta en 1993, enregistrée la même année par l’Ensemble Modern (direction Ingo Metzmacher, Sony), l’œuvre avait déjà été donnée par l’Ensemble intercontemporain dans cette même salle de la Cité de la musique: c’était en février 1996 sous la baguette de Jonathan Nott.


Hans Werner Henze (1926-2012) a recours aux sections contrastées qui cadencent la messe des mort mais, en bon marxiste, entend conjurer toute transcendance («Le Paradis est ici, ou devrait l’être, et non pas plus tard, où il ne se passe plus rien»): aussi la liturgie se voit-elle indexée sur l’échelle de la nature (Lux aeterna traduit moins la lumière divine que celle des phénomènes naturels perçus par une conscience) et de l’humain, à travers ses souffrances (Dies irae, Rex tremendae, Tuba mirum, Lacrimosa) et ses aspirations (Ave verum, Agnus Dei, Sanctus). A la table de travail du compositeur s’invitent les démons d’autrefois (la Marche de Badenweiler qu’Hitler adorait, les souvenirs douloureux liés à la guerre du Vietnam) et ceux du moment (première guerre du Golfe) qui, passés au tamis d’un dodécaphonisme souple et d’une poétique ouverte, trouvent une traduction musicale explicite et porteuse d’émotion.


Matthias Pintscher n’a jamais caché son admiration pour la musique de Henze, admiration qu’il partage avec l’un de ses maîtres: Manfred Trojahn. Sa direction impliquée illumine les sensations les plus fugaces de l’Ave verum, où transite le spectre de Mozart, et du Lux aeterna (véritable étude sur l’évanescence) mais sait aussi se montrer véhémente, voire expressionniste dans le Dies irae et ses climax sans cesse avortés, la marche apocalyptique du Rex tremendae et les ostinatos (volontairement) abrutissants du Tuba mirum.


Remplaçant au pied levé Dimitri Vassilakis, Sébastien Vichard semble plus à son aise dans l’écriture compacte d’obédience brahmsienne que dans les effluves debussystes entre lesquelles oscille, au sein d’une même phrase musicale, la partie de piano. Clément Saunier impressionne dans les trois mouvements qui sollicitent une trompette concertante par sa faculté à faire chanter son instrument – jusque dans les dynamiques les plus faibles – à la manière d’un spiritual. Les membres de l’EIC jouent comme un seul homme une partition à la polyphonie dense et riche en mélodies.


Applaudissements nourris et bien mérités une fois éteintes les dernières notes du Sanctus (avec deux trompettes solo supplémentaires disposées au premier balcon), dont le ton hymnique annonce le deuxième mouvement de l’ultime Dixième Symphonie (2010).



Jérémie Bigorie

 

 

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