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Réussite collégiale

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Maison de la radio
02/06/2018 -  
Thierry Escaich : Improvisation – Ground II (*) – Cris (#)
Mauricio Kagel : Motetten (§)

Laurent Gaudé (récitant), Thierry Eschaich (orgue), Trio K/D/M: Gilles Durot (*), Victor Hanna (percussion), Anthony Millet (accordéon)
Chœur de Radio France, Martina Batic (chef de chœur), Ensemble Nomos, Michael Pozmanter (§), Julien Leroy (#) (direction)




«Le plus difficile, une fois parvenu à un certain moment de la vie de compositeur, est de trouver les moyens de se renouveler sans se renier ni se répéter», confie dans le programme la figure de proue du festival Présences 2018. A 52 ans, Thiery Escaich est un musicien (membre de l’Académie des Beaux-Arts) particulièrement fêté mais lucide, dont le simple nom suffit à museler les querelles de chapelle qui clivent le milieu de la musique contemporaine. La programmation éclectique de cette nouvelle édition en offrira d’ailleurs un large spectre.


Le sentiment d’entrer comme par effraction dans le laboratoire secret du créateur, avec la fumée sortant des alambics: voilà ce que procure l’improvisation liminaire fondée sur une courte fanfare écrite par Thierry Escaich qui, le temps du Festival, se substitue à celle de La Péri pour inviter le public à regagner la salle. Le caprice de l’instant propre à l’exercice n’empêche pas le contour bien dessiné des thèmes au parfum modal, la superposition des rythmes (du pédalier aux claviers) et une trajectoire plus réfléchie qu’elle n’en a l’air. Entrée en matière (forcément) payante et jubilatoire pour les oreilles... et les yeux, la console étant placée sur la scène.


Le principe de variation (sur une basse obstinée) préside également à Ground II (2007) pour orgue et percussion, un jumelage dont un autre organiste-compositeur avait déjà exploré les combinaisons: Jean Guillou. Pour réduit qu’il soit, l’instrumentarium (où voisinent instruments à hauteurs déterminées et indéterminées) disposé autour de Gilles Durot autorise plusieurs gestes exploités durant les quelques 8 minutes du morceau: tantôt centrés sur l’attaque afin de conjurer le son filé de l’orgue, tantôt fondus à l’image d’une registration supplémentaire. Les scansions verticales de la cymbale relayées par la timbale et la caisse claire, canevas sur lequel l’orgue brode les arabesques de sa fantaisie, se muent rapidement en une toccata virtuose où le ground transite d’un instrument à l’autre.


La présence de huit violoncelles pour Cris a sans doute motivé la programmation de Motetten (2004) de l’Argentin Mauricio Kagel (1931-2008). Manquait à l’auteur de Ludwig van (1970) et de la Sankt-Bach-Passion (1985) une œuvre liée au Moyen-Age; c’est chose faite avec ce travail centré sur l’instrument dont la tessiture est la plus proche de la voix humaine à laquelle le genre du motet était destinée. Un travail, comme toujours chez Kagel, qui joue avec un humour ravageur sur les formules et les gestes régissant l’alphabet de nos émotions. Sans verser dans l’isorythmie propre à l’Ars Nova, la composition est structurée comme un véritable motet servi par des modes de jeu tour à tour cantabile et en pizz. Bartók – l’exact antidote. Le tango semble s’inviter au détour d’une accentuation déhanchée parfaitement restituée par l’Ensemble Nomos... et l’on pense immanquablement à Astor Piazzolla!


Aucun lien avec l’œuvre de Maurice Ohana, le titre Cris ayant pour origine le roman éponyme de Laurent Gaudé qui nous plonge dans l’enfer des tranchées. Créée en 2016 dans le cadre des célébrations du centenaire de la bataille de Verdun, la partition invite à l’aventure, ne serait-ce que par l’effectif qu’elle requiert: un chœur mixte, un octuor de violoncelles, un accordéon et deux percussions. Le glissement entre les registres comiques, oniriques et compassionnels est remarquablement négocié par le chef Julien Leroy: chœur divisé, solos de violoncelles (Christophe Roy, à fleur d’archet), ritournelle de l’accordéon (à la manière des Chemins de l’amour de Poulenc) concourent à forger une dramaturgie dont la réussite impressionne à proportion des écueils esquivés, le texte déclamé (et avec quelle intensité!) courant toujours le risque d’assigner un rôle illustratif à la musique. Avant la coda éthérée ponctuée par le vibraphone et le chœur en coulisse, on entend sourdre une apothéose qui évoque la fin de L’Enfant et les sortilèges. Une réussite collégiale, à laquelle il convient d’associer l’accordéoniste Anthony Millet et le Chœur de Radio France, très bien préparé par Martina Batic.


Le site du festival Présences
Le site de Thierry Escaich



Jérémie Bigorie

 

 

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