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La prise d’otage de Sonya Yoncheva

Geneva
Opéra des Nations
02/04/2018 -  
Giuseppe Verdi : Nabucco : Ouverture – Il trovatore : «Tacea la notte placida...di tale amor...» – I Lombardi alla prima crociata : «La mia letizia infondere» – Luisa Miller : Ouverture et «Tu puniscimi, Oh Signore...» – La forza del destino : Ouverture & «Pace mio Dio» – Don Carlos : «Toi qui sus le néant» – La traviata : Prélude du troisième acte, «Lunge da lei...Oh mio rimorso» & «Oh mia Violetta... Parigi, o cara... Gran Dio! Morir sì giovine» – Attila : «Oh, nel fungente nuvolo»
Sonya Yoncheva (soprano), Martin Yonchev (ténor)
L’Orchestre de Chambre de Genève, Francesco Ciampa (direction)


(© GTG - Magali Dougados)


Sonya Yoncheva vient d’entamer à Genève une tournée de concerts destinée à promouvoir son nouveau disque, entièrement consacré à Giuseppe Verdi. La soprano bulgare était très attendue, car c’est ici qu’elle est venue se perfectionner lorsqu’elle était encore étudiante, dans la classe de Danielle Borst. A la même époque, de 2003 à 2008, elle a aussi fait partie du chœur du Grand Théâtre. De deux choses l’une : soit ses talents vocaux n’avaient (encore) rien d’exceptionnel, soit la direction du Grand Théâtre de l’époque ne devait pas entendre grand-chose aux voix, dans tous les sens du verbe « entendre » ; toujours est-il que personne n’a retenu Sonya Yoncheva à Genève et que cette dernière est partie ailleurs faire la carrière que l’on sait. Aujourd’hui, c’est une artiste acclamée sur les plus grandes scènes lyriques et courtisée par tous les directeurs d’opéras. Son statut lui permet d’imposer son frère, Martin Yonchev, à ses cotés à Genève. Une pratique qui, en soit, n’a rien d’étonnant : telle pianiste réputée demande souvent à jouer avec sa sœur ou telle chanteuse au sommet de son art tient à partager la scène avec son mari. Le hic, avec Sonya Yoncheva, c’est que son frère n’a rien, mais absolument rien d’un ténor verdien. Il est tout au plus un honnête choriste (comme ce fut le cas à Genève et à Lausanne). Il a parfois été distribué dans un rôle de soliste, comme Parpignol à l’Opéra de Lausanne, c’est dire... Un filet de voix extrêmement mince, qui se resserre très vite dans l’aigu pour aboutir à des problèmes d’intonation, un timbre timide et hésitant, bref on est à des années lumières du ténor verdien. Sonya Yoncheva prend son public en otage : pour pouvoir l’entendre, elle, il faut se résoudre à la calamité d’écouter son frère. La pratique est scandaleuse.


Sonya Yoncheva vient donc de donner son premier concert Verdi à Genève. Globalement, sa prestation laisse perplexe. Certes, la voix est belle, ample et puissante, le médium et le grave sont particulièrement riches, le timbre est sombre et mâtiné, les vocalises passent la rampe sans aucun problème et le phrasé sait se faire délicat. Mais les aigus sont souvent négociés avec difficulté, la voix paraissant bien étriquée dès qu’il faut monter dans la gamme, et un vibrato se fait déjà sentir. Pour une chanteuse de 37 ans, un tel diagnostic est inquiétant. Par ailleurs, cet enchaînement d’airs a un arrière-goût d’uniformité, la chanteuse ne réussissant pas à changer d’atmosphère et de couleurs pour chaque scène. C’est toute la difficulté du récital, où il faut être capable de passer d’un air à un autre, d’un personnage à un autre sans transition, en quelques secondes. Un art que Sonya Yoncheva ne maîtrise pas encore. De surcroît, aucune émotion ne se dégage de son chant. Il faut attendre le début de la seconde partie du concert, avec le grand air d’Elisabeth de Don Carlos, pour voir enfin la soprano entrer dans son personnage. Le fait pour elle d’avoir chanté le rôle à Bastille l’automne dernier l’a sûrement aidé. Et ce n’est que dans le tout dernier air, le « Gran Dio! Morir sì giovine » de La Traviata, qu’on entend enfin une Sonya Yoncheva bouleversante, à la hauteur de sa réputation. Mais cela n’aura duré que cinq minutes sur 90 minutes de concert. C’est peu, très peu.



Claudio Poloni

 

 

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