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Puccini subtil et moderne

München
National Theater
12/20/2017 -  et 23, 30 décembre 2017, 1er janvier, 14, 16 juillet 2018
Giacomo Puccini: Il trittico
Il tabarro
Wolfgang Koch (Michele), Eva-Maria Westbroek (Giorgetta), Yonghoon Lee (Luigi), Kevin Conners (Tinca), Martin Snell (Talpa), Claudia Mahnke (Frugola), Rosa Feola, Pavol Breslik (Deux amoureux)
Suor Angelica
Ermonela Jaho (Suor Angelica), Michaela Schuster (La Princesse), Anna El-Khashem (Suor Genovieffa), Ruth Irene Meyer (Suor Osmina), Paula Iancic (Suor Dolcina), Claudia Mahnke (La Badessa), Helena Zubanovich (La suora zelatrice), Jennifer Johnston (La maestra delle novizie), Alyona Abramowa (La sœur infirmière)
Gianni Schicchi
Ambrogio Maestri (Gianni Schicchi), Rosa Feola (Lauretta), Michael Schuster (Zita), Pavol Breslik (Rinuccio), Dean Power (Gherardo), Selene Zanetti (Nella), Alban Mondon (Gherardino), Christian Rieger Betto di Signa), Martin Snell (Simone), Sean Michael Plumb (Marco)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko* (direction musicale)
Lotte de Beer (mise en scène), Bernard Hammer (décors), Jorine van Beek (costumes), Alex Brok (lumières)


E. Jaho (© Wilfried Hösl)


Avant de parler de la trilogie de Puccini, il faut à nouveau souligner le niveau général si élevé de l’Opéra de Munich. C’est un ensemble très professionnel et merveilleusement réglé. Orchestre, chœur et solistes de la troupe sont d’une grande classe qui leur permet avec bonheur de s’exprimer dans tant de répertoires différents. C’est également un théâtre lyrique qui a su régulièrement conjuguer avec bonheur l’exigence musicale et une recherche constante d’un renouveau dramatique. Enfin, et cela est assez important, le public est concentré, attentif, exigeant et stimulant. Combien de maisons d’opéra rassemblent-elles de telles conditions ?


Pour cette représentation du Trittico, la mise en scène a été confiée à Lotte de Beer. Le décor qu’elle a choisi est un « simple » tunnel dont une partie au fond de la scène pivotera pour emmener au ciel les (nombreux) décès des différents opéras. Ce décor un peu minimaliste ne limite pas la caractérisation des œuvres et des personnages. Il tabarro baigne dans une atmosphère un peu onirique, l’affrontement entre Suor Angelica et la Princesse est effrayant par son intensité et le Gianni Schicchi est d’une vivacité rebondissante. Faut-il le rajouter, il n’est pas besoin de mettre les personnages dans un sous-marin, pardon dans une station spatiale... pour apporter une valeur ajoutée et faire une réelle mise en scène. Il y a beaucoup de petites « trouvailles » que je ne veux pas dévoiler pour permettre la découverte aux spectateurs mais je ne peux me permettre de mentionner la merveille de faire revenir les chanteurs des trois opéras lorsque Schicchi demande au public de manifester leurs applaudissements.


La distribution réunie est de grand niveau. En Michele, Wolfgang Koch trouve des accents poignants lorsqu’il évoque leur fils disparu, quitte à ce que sa transition en mari jaloux soit un peu abrupte. Eva-Maria Westbroek n’a peut-être plus tout à fait les aigus de ses premières années mais elle a toujours une présence dramatique réelle. Yonghoon Lee a de belles couleurs ténorales dans le rôle de Luigi, mais gagnerait à travailler sa projection et son phrasé. Les multiples personnages de Suor Angelica sont de qualité, nous rappelant qu’une troupe n’est pas une collection de chanteurs/chanteuses appelés pour l’occasion. Michaela Schuster est une Princesse menaçante pleine d’autorité. Rosa Feola nous rappelle enfin à quel point «Il mio babbino caro» peut et doit faire pleurer et sourire en même temps tandis que Pavol Breslik était peut-être un peu en méforme hier soir.


A ce très haut niveau, les deux chanteurs qui réalisent des prestations d’exception sont Ambrogio Maestri et Ermonela Jaho. Nous connaissons tous le baryton comme le Falstaff de notre génération. Le rôle de Gianni Schicchi est bien naturellement fait sur mesure pour lui. Sa technique vocale est d’une qualité rare et il sait également donner à chaque phrase un sens et un contenu théâtral. Il faut remonter à ce que faisait un Gobbi pour trouver une telle qualité de chant italien. De son côté, Ermonela Jaho a une superbe ligne de chant, un engagement et une « italianité » si émouvante. Elle trouve tant de registres, oscillant entre douceur douleur en apprenant la disparition de son fils (il faut rappeler que de Puccini à Janácek, les enfants nés hors mariage ne vivent pas très longtemps..). Avec des tels artistes, les chanteurs disparaissent complétement derrière leurs personnages.


Le Trittico doit être le deuxième opéra de Puccini qu’aborde Kirill Petrenko après Tosca. Sous sa baguette, Puccini est d’un modernisme éclatant. Les textures du Tabarro n’ont rien à envier à celles d’un Debussy et la vitalité rythmique d’un Gianni Schicchi est, elle, stravinskienne... L’orchestre est d’une profonde élégance avec des tensions et des couleurs troubles. Ce n’est pas parce que la musique de Puccini est chantante, et que certains de ses sujets sont un peu des mélos, qu’elle n’est pas à la fois subtile et profonde. Enfin, comme pour ses précédents Maîtres-chanteurs ou Lady Macbeth, la présence du chef, son autorité et la solidité de ses entrées sont magistrales et permettent à tous les musiciens de donner le meilleur d’eux-mêmes.


Ce Triptyque sera encore joué pour quatre représentations et sera repris lors du festival en juillet. Ce petit bijou vaut le déplacement et que ceux qui ne pourraient y assister se consolent : la représentation du 23 sera en streaming sur le site de l’Opéra d’Etat de Bavière.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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